19 sept. 2021

«Turner et le sublime » du MNBAQ

 

La pandémie nous ayant empêchés, mon épouse et moi, d’aller voir, en avril dernier, l’exposition d’œuvres de William Turner (1775-1851) au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), pourquoi ne pas, à tout le moins, lire et contempler le livre l’accompagnant, dont voici des extraits.

Qu’est-ce que le sublime?

Edmund Burke, écrivain irlandais, le décrit ainsi : «… un sentiment qui naît du spectacle grandiose des forces de la nature, une «« délicieuse horreur »» inspirée par des conditions extrêmes et absolues : le terrible, l’étrange, l’obscur ou la grandeur sans limites. » (page 7).

« Pour les philosophes romantiques, le sublime «« enlève, ravit et transporte »» suscitant l’émotion la plus forte que l’esprit puisse ressentir. » (p. 7).

Quelle a été la contribution de William Turner à l’expression du sublime?

André Gilbert nous la résume en indiquant qu’il a représenté « … des thèmes universels comme la sensation de la lumière, le passage du temps et la fragilité de la condition humaine…». Il « … a souvent été décrit comme un précurseur de l’impressionnisme, puis de l’abstraction du XXè siècle.» (p. 112)

Les oeuvres

Un bon nombre d’œuvres de Turner sont reproduites dans cette publication du MNBAQ. Il y a du flou, du mystérieux, de « l’indéfinissable » (p. 94) dans ses œuvres. Mais, il y a surtout de quoi captiver notre regard, stimuler notre imaginaire et donner l’envie d’y revenir. Les voir dans leur forme originale aurait été apprécié. Les circonstances en ont décidé autrement.

Une mention spéciale va à l’histoire du tableau « Scène dans le Derbyshire. Les hauteurs d’Abraham, Matlock Bath » rendue par Daniel Drouin (pp. 24 à 35). C’est une œuvre de Turner cédée au MNBAQ par la succession de Maurice Duplessis, ancien premier ministre du Québec.

Des rendez-vous manqués

Fin novembre 1989, un samedi après-midi, il pleut abondamment à San Francisco. Une visite au musée s’impose. Ce que j’y vois dans quelques salles suscite peu mon intérêt. J’entre ensuite dans une salle où il y a des œuvres de Turner : je suis ébahi! Toutefois, avant même que je puisse les regarder de près, on annonce que le musée ferme dans quelques minutes. Mon premier rendez-vous avec l’univers de Turner devra attendre. Naît l’espoir de les revoir un jour. Le temps passe et l’oubli se substitue à l’espoir.

Une trentaine d’années plus tard, la promotion de l’exposition « Turner et le sublime » au MNBAQ ravive le souvenir de 1989. La pandémie a toutefois le dessus, et l’exposition est malheureusement remballée. Et voilà un autre rendez-vous manqué avec les œuvres de Turner. Une fois passée la déception et cherchant un cadeau à offrir à mon épouse pour la Fête des mères dans un contexte où tous les commerces dits non essentiels sont fermés, je vais sur la page Internet de la boutique du musée. La publication accompagnant l’exposition est encore disponible. Ce fut un cadeau qu’elle a grandement apprécié. Il faut dire que, tant sur le plan du contenu que de la présentation, c'est un très beau livre.

Devrai-je un jour aller à la Tate de Londres pour finalement passer du temps avec les oeuvres de William Turner? 



                                                                        

Gilbert, André et al. « Turner et le sublime ». Musée national des beaux-arts du Québec, 2020. 143 pages

19 août 2021

« Pierre Laporte » de Jean-Charles Panneton

Panneton retrace d’abord les origines familiales de Pierre Laporte, ainsi que ses années de formation. Il passe ensuite à ses années consacrées au journalisme, en particulier lorsque Laporte fut correspondant parlementaire du journal Le Devoir à Québec, à l’époque où l’Union nationale  de Maurice Duplessis régnait sur le Québec.

Le travail de journaliste ne suffit pas à Laporte. Il y ajoute, de 1954 à 1959, la direction de la revue L’Action nationale. Il «…souhaite faire de la revue un espace de discussion entre les mouvances nationalistes. » (page 187), ce qui s’avère ardu, pour ne pas dire impossible, à réaliser.

La carrière politique de Pierre Laporte s’amorce au début des années 1960, après des tentatives infructueuses à la fin des années 1950. Député, ministre et leader parlementaire sont des responsabilités qu’il assume au sein de « l’équipe du tonnerre » de Jean Lesage, tout en participant aux débats de fond, en particulier sur l’avenir du Québec au sein du Canada et de la langue française.

Viennent ensuite les années dans l’opposition de 1966 au début de 1970. Au retour des Libéraux à la direction du gouvernement, il se voit confier des responsabilités importantes, avant de connaître une fin tragique, en octobre 1970, à l’âge de 49 ans.

La conclusion de Panneton et la préface de Gilles Lesage résument bien la carrière impressionnante de cet homme, notamment sa contribution au journalisme, aux débats d’idées et à la gouverne du Québec. Ce livre est, sans contredit, utile aux  personnes qui s’intéressent à l’histoire moderne du Québec, en particulier  si elles ont moins de 50 ans. Elles y liront que Pierre Laporte n’a pas été qu’une victime du FLQ. Il a été « un homme d’action » (p.9), un « réformiste engagé » (p.13),  « un leader solide et coriace » (p.14). 

Est-ce, toutefois, une biographie de ce personnage?

Gilles Lesage écrit en préface « C’est, étrangement, la première biographie consacrée à cette personnalité québécoise importante du siècle dernier. » (p.9). Pourtant, l’auteur indique, en introduction : « Il ne s’agit donc pas d’une biographie sur l’homme.» (p.27)

Enfin, il aurait été intéressant que Panneton soit plus explicite sur la nature et la portée du « scandale du gaz naturel » (pp. 135 et 136) révélé par Pierre Laporte en 1958 «… et qui constitue le scoop de sa carrière…» de journaliste. Parmi les politiciens directement impliqués dans cette affaire, il y en a deux qui ont ensuite réussi à devenir Premier ministre du Québec, ce qui n’est quand même pas rien. Un sort nettement à l’opposé de celui réservé au ministre Irénée Vautrin, en 1935, pour l’achat d’une culotte aux frais des contribuables.



     

 

Panneton, Jean-Charles. « Pierre Laporte ». Les éditions du Septentrion, 2012. 436 pages 

6 juil. 2021

« Jean de Grandpré, l'héritage d'un géant » de Danielle Stanton et Hervé Anctil

Ce livre porte sur la vie personnelle et professionnelle de Jean de Grandpré, un homme d'affaires exceptionnel. Un leader né qui a su bien exploiter ses talents, son énergie et ses capacités intellectuelles. Sa discipline, sa rigueur, son intégrité, son engagement et sa bienveillance sont parmi ses qualités mises en évidence dans cette biographie sommaire. 

Sa contribution professionnelle s'est manifestée, notamment, durant plusieurs années, dans l'industrie des télécommunications. Il a présidé, en particulier, au passage de Bell, une entreprise canadienne, à BCE, un conglomérat de classe mondiale. Il a aussi participé à un grand nombre de conseils d'administration d'entreprises. Son implication sociale est aussi notable dans bien des domaines. Il est un « géant » québécois, même s'il préfère s'identifier avant tout en tant que Canadien.

Une vie bien remplie! Une vie bien racontée par Stanton et Anctil!

Note : L'apogée et la triste fin de Nortel sont rappelées aux pages 161 à 173.




« Jean de Grandpré, l'héritage d'un géant ». Les Éditions La Presse, 2019. 210 pages. 

6 mars 2021

« La story de la langue française » de Jean Pruvost

À l’école, la « Grammaire française » de Jean-Marie Laurence nous apprenait que le français provenait de l’intégration de trois langues : le celtique (version gauloise), le latin et le germanique. L’histoire s’arrêtait là, et nous passions, cela va de soi, à la grammaire. Dans « La story de langue française » de Jean Pruvost, l’histoire générale  et celle de la langue française deviennent un préalable à l’analyse de l’évolution du vocabulaire en français.

Le français et l’anglais appartiennent à la grande famille des langues indo-européennes. On y retrouve des langues mortes, comme le latin et le sanskrit, et des langues vivantes, comme celles parlées en Europe ainsi que le persan et l’hindi (page 49). Toutefois, le français, par son association prononcée au latin, fait partie de la branche dite romane, et l’anglais de la branche germanique, tout comme l’allemand et les langues des pays scandinaves (page 50).

N’empêche, les liens entre le français et l’anglais sont importants, et ils remontent à près d’un millénaire. Guillaume le Conquérant et ses héritiers ont imposé le français à l’Angleterre à compter du onzième siècle de notre ère. L’histoire des liens entre ces deux langues, c’est également, à maints égards, celle des relations entre la France et l’Angleterre. Pruvost nous signale aussi, vers la fin de son livre, l’influence relativement récente et notable des États-Unis sur la langue française, particulièrement par l’usage en français du vocabulaire anglais de la gestion, du numérique, de la musique et du cinéma.

Pruvost écrit que «…le voyage des mots du français à l’anglais et de l’anglais au français au fil des siècles est incessant…» (page 46). Il en est résulté, bien des fois, des changements à leur écriture et à leur signification. Le mot « budget » en constitue une bonne illustration. Le mot gaulois bulga (signifiant sac) devient bougette (sac contenant des pièces de monnaie) en ancien français. Une fois arrivé en Angleterre, on le prononce boudgett, selon Druon*. Il y prend là sa signification moderne; il y est associé aux finances publiques notamment. Il revient en France avec ce sens à compter de la deuxième moitié du dix-huitième siècle (pages 56 et 57).

L’anglais vient au premier rang du palmarès des langues d’emprunt du français. Pruvost nous indique aussi que peu de Français sont conscients de l’importance de l’italien dans l’évolution de leur langue. Il est pourtant au deuxième rang des langues d’emprunt (page 176). L’auteur consacre d’ailleurs une soixantaine de pages à l’influence italienne (pages 195 à 257). Surprise, du moins pour moi, l’arabe qui n’a rien d’une langue indo-européenne, vient au troisième rang. À titre d’exemple, les mots « tasse », « café » et « alcool » sont d’origine arabe. Ainsi, lorsque vous utilisez les mots « tasse de café », il y a en quelque sorte de l’arabe dans votre langage. Les Vikings ont aussi laissé trace de leur passage dans la langue française.

Si votre prénom est Clovis, lisez la page 87, et vous verrez que vous auriez pu tout aussi bien vous appeler Louis, tenant compte de l’évolution de la façon de l’écrire.

En conclusion, la storie de la langue française abonde en exemples de mots qui reflètent les influences d’une langue sur une autre. Il s’agit là de l’une de ses richesses. C’est aussi, par le biais de la langue, une histoire de l’empreinte importante des relations entre les peuples. Seul point agaçant : les nombreuses références à la grand-mère de l’auteur au début du livre.

Offrez-vous ce livre de Jean Pruvost et le Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey. Ainsi, vous serez désormais bien outillés en ouvrages de références pour faire vos devoirs et vos exercices de lexicologie, du moins en français.

 

*Druon, Maurice. « Les Rois maudits ». Le livre de poche, tome 1, page 361.


 




Pruvost, Jean. « La story de la langue française – Ce que le français doit à l’anglais et vice-versa ». Éditions Tallandier, 2020.

8 févr. 2021

« The Ages of Globalization » de Jeffrey D. Sachs

 

Souhaitez-vous en apprendre sur l’histoire et les diverses dimensions de la mondialisation? Si oui, offrez-vous la lecture de « The Ages of Globalisation ». Jeffrey Sachs y réussit l’exploit exceptionnel de condenser, en un peu plus de deux cents pages, son analyse d’environ 70 000 ans de ce phénomène.

L’auteur y regroupe en sept périodes les changements marquants de l’aventure  humaine au cours de ces millénaires, allant de la sortie de l’Afrique vers d’autres continents à la révolution digitale du début du vingt-et-unième siècle. Le tableau à la page 6 présente une excellente synthèse des points de démarcation importants entre chaque période que ce soit en matière militaire, d’énergie, d’information, d’agriculture, d’industrie, de transport et de gouvernance. D’ailleurs, les tableaux, graphiques, cartes géographiques et photos abondent dans ce livre, ce qui vient  faciliter l’assimilation de son contenu.

Sachs souligne comment l’interaction de la géographie, de la technologie et des institutions a contribué à l’évolution des sociétés que ce soit sur les plans économique, culturel, politique, religieux, géopolitique, etc.

Son analyse est sans complaisance et sans parti pris. Il sait bien faire la part des choses entre les avantages et les inconvénients de la mondialisation. En outre, les bouleversements et les tragédies qu’il y associe, l’amènent à en tirer plusieurs leçons qu’il transforme ensuite en propositions pour l’avenir. Il fait d’ailleurs plusieurs recommandations dans le chapitre final de son livre pour mieux combiner prospérité, justice sociale, paix et développement durable.

Sachs suggère, à la page 197,  l’équivalent de « The Wealth of Nations » (1776) d’Adam Smith pour le vingt-et-unième siècle, soit « The Sustainable Development of Nations », un concept regroupant des objectifs économiques, sociaux et environnementaux. Peut-être s’agit-il là du titre de l’un de ses prochains livres, lui qui a développé une grande expertise en la matière.

Un beau voyage dans le temps cet ouvrage, accompagné d’une esquisse de plan d’action commun pour le vingt-et-unième siècle.




 

Sachs, Jeffrey D. « The Ages of Globalization ». Columbia University Press, 2020.