24 oct. 2018

«Clashing over Commerce – A History of US Trade Policy» de Douglas A. Irwin



Le livre de ce professeur d’économie nous plonge dans l’histoire politique et économique des États-Unis du point de vue de la politique commerciale. Ce sujet a suscité et suscite encore la controverse. Il y a cependant eu continuité sur de longues périodes quant aux orientations de cette politique. Irwin indique d’ailleurs que le système politique américain rend difficile de changer le statu quo.

D’où vient la controverse? Elle provient des intérêts divergents et changeants, selon les industries, les régions et les moments. Elle met en évidence la difficulté d’atteindre un équilibre lorsque s’affrontent, sur le terrain politique, les industries qui tirent profit des exportations et celles affectées par la concurrence des importations.

Sur le plan politique, il y a eu mouvance et virage dans le temps. Les Démocrates sont passés de favorables à la libéralisation des échanges à protectionnistes, alors que chez les Républicains ce fut l’inverse[1]. Irwin nous indique que les positions respectives des uns et des autres ne tiennent pas en soi de positions idéologiques; elles sont plutôt le reflet d’intérêts spécifiques à partir desquels sont générés des principes. D’ailleurs, selon les besoins particuliers de leurs électeurs et des industries locales, des Démocrates et des Républicains ne se gênent pas pour prendre des positions allant à l’inverse du courant dominant de leur parti respectif.

Une histoire en trois temps

Irwin divise en trois périodes l’histoire de la politique commerciale américaine. Il résume chacune d’elles en un mot : revenu, restriction et réciprocité.

De l’indépendance jusqu’à 1860, la priorité est de générer des revenus pour les besoins de l’administration du gouvernement fédéral en imposant des droits de douane sur les importations : 90 % des revenus du gouvernement proviennent alors des tarifs prélevés à la frontière. Dans les débats, le Sud, principalement exportateur de produits agricoles, veut que le tarif se limite aux besoins financiers, alors que le Nord qui s’industrialise, y ajoute la protection de la production des importations. En conséquence, les tarifs varient dans le temps selon le point de vue qui prédomine au Congrès.

La Guerre de Sécession sera l’événement qui marquera le passage de la première à la deuxième périodes. Les droits de douane constituent alors encore une source importante des revenus fédéraux, du moins jusqu’en 1913, mais la priorité va à la restriction de l’accès des produits étrangers au territoire américain pour protéger certaines industries de la concurrence internationale. Le tarif moyen sur les importations imposables passe de moins de 20 % en 1859 à environ 50 % durant la guerre civile et les décennies suivantes. Cette période atteindra son apogée avec l’adoption du Tariff Act de 1930. Quel rôle cette législation a-t-elle joué pour transformer une récession en grande dépression? Irwin a examiné plusieurs études publiées sur ce sujet. Selon lui, le consensus chez la plupart des économistes est qu’elle a eu relativement peu d’effet comparativement aux forces déflationnistes engendrées par le système monétaire et financier.

Le début de la troisième période marque une rupture majeure par rapport à la deuxième. L’accent est mis sur la réciprocité.  La priorité va à la négociation d’ententes sur la réduction des obstacles au commerce pour accroître les exportations américaines. Les politiciens et le public associent, à l’époque, droits de douane élevés et dépression économique, ce qui vient faciliter le passage de la restriction à la réciprocité.

Amorcée en 1934, la réciprocité est partie intégrante du New Deal de l’administration Roosevelt. Parmi les succès de cette période pour les États-Unis et leurs partenaires commerciaux, signalons l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, le GATT de 1947, et la création en 1995 de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). On a cru maintes fois, mais prématurément, à la fin de cette période. À titre d’exemple, les années 1980 ont été l’une des périodes les plus difficiles de l’histoire de la politique commerciale des États-Unis, selon Irwin.  L’intensification de la concurrence étrangère a entrainé une augmentation des pressions pour obtenir des restrictions des importations. Elles se sont manifestées par l’imposition notamment de restrictions dites volontaires à l’exportation et de droits compensateurs et antidumping. Néanmoins, dans l’ensemble, la réciprocité a tenu : des négociations multilatérales et bilatérales, débutées au milieu de cette décennie, ont mené à des accords importants de libéralisation des échanges.

Irwin nous signale aussi des changements intéressants dans le langage. Dans les années suivant le début de la réciprocité, il est question «d’accords commerciaux» portant sur la réduction des droits de douane. L’expression «accords de libre-échange» prend le relai à compter des années 1980, probablement parce que la libéralisation des échanges y est plus prononcée et étendue qu’auparavant. Au début des années 2010, en raison de la perception de plus en plus négative de «libre-échange», «partenariat» s’y substitue. Ajoutons qu’en 2018, le mot «accord» semble suffire pour désigner le projet issu de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

La réciprocité est mise à mal aujourd’hui par l’administration Trump. S’agit-il d’une pause, d’un retour en arrière ou d’un changement de direction qui constituerait le début d’une quatrième période? Irwin considère qu’il est trop tôt pour le dire. Quel sera l’événement majeur qui mettra fin à la réciprocité? Il est difficile de l’anticiper selon cet auteur. Il s’en tient à son rôle d’historien, laissant à d’autres celui de devin.

Quant aux économistes, Irwin rappelle qu’ils sont reconnus pour mettre en évidence les gains associés au libre-échange et les coûts des restrictions commerciales. Ils n’ont pas eu, selon lui, une grande influence sur les décisions de politique commerciale. Depuis la Grande Dépression, leur participation aux débats sur les politiques économiques a pu, à tout le moins, avoir un certain impact en amenant les politiciens à réfléchir avant d’endosser des mesures protectionnistes.

Le Canada dans cette histoire

Le Canada fut l’un des rares pays avec qui les États-Unis ont mis en œuvre un traité de réciprocité commerciale au dix-neuvième siècle. Ce traité a été en vigueur de 1855 à 1866. Ce sont des droits de pêche concédés par les Britanniques[2] qui incitèrent les Américains à accepter cet accord, et non pas des intérêts commerciaux. Le Canada a tenté, à plusieurs reprises, après 1866, de ressusciter ce traité, mais sans succès.

Des négociations ont mené à une entente de réciprocité commerciale en 1911. Cette entente est devenue un enjeu important des élections fédérales[3] au Canada. La défaite du gouvernement de Wilfrid Laurier en a sonné le glas.

Au début de la période de réciprocité, le Canada est l’un des premiers pays avec qui les États-Unis signent des accords commerciaux, l’un en 1935, l’autre en 1938. Ils portent sur la réduction des droits de douane.

Le Canada a été touché de plein fouet par la recrudescence du protectionnisme américain dans les années 1980. Les différends commerciaux ont augmenté, notamment ceux en matière de subvention et de dumping[4]. Cela a suscité des craintes quant à la sécurité d’accès de ses exportations à son principal marché étranger. Il en est venu à proposer aux États-Unis un accord de libre-échange pour à la fois maintenir et améliorer l’accès à ce marché. Irwin captive le lecteur par le récit de l’avènement, en octobre 1987, du compromis[5] sur l’épineux problème des recours commerciaux qui allait permettre à l’Accord de libre-échange (ALÉ) de voir le jour en 1989.  L’ALÉNA s’y juxtaposera lorsque viendra le temps d’élargir au Mexique la zone de libre-échange. Le courage politique du président Clinton est mis en évidence quand Irwin raconte qu’il est allé de l’avant pour obtenir, en 1993, la ratification par le Congrès de l’accord trilatéral, même si une majorité de Démocrates s’y opposait.[6] Tant l’ALÉ que l’ALÉNA contribueront  au passage, sur le plan multilatéral, du GATT aux Accords de l’OMC.

En conclusion, Irwin nous livre une histoire riche en faits et analyses. Son esprit de synthèse se manifeste dans la rédaction de son introduction et de sa conclusion. Un livre à lire pour qui veut mieux comprendre le contexte actuel, même si celui-ci tient, à certains égards, de l’inédit. II est impossible dans un commentaire de lecture de relater tous les faits et nuances présentés en près de 700 pages, mais j’en ai dégusté chaque passage.



[1] Après la Deuxième Guerre mondiale et jusqu’au début des années 1970, il y a eu, exceptionnellement, un consensus politique en faveur des accords commerciaux.
[2] À l’époque, c’est le Royaume-Uni qui négocie et conclut les accords internationaux pour ses colonies.
[3] Irwin écrit à la page 329 qu’un «referendum» scella le sort de cette entente, mais c’est bel et bien une élection.
[4] Je n’ai pas vu dans ce livre la moindre allusion au différend sur le bois d’œuvre. Et pourtant, s’il y en a un qui marque les relations commerciales canado-américaines depuis les années 1980, c’est bien celui-là.
[5] Il s’agit du mécanisme de règlement des différends du chapitre 19 de l’ALÉ et de l’ALÉNA.
[6] Rappelons que le Sénat et la Chambre des Représentants étaient à majorité démocrate. Une minorité de Démocrates et une majorité de Républicains ont permis à la loi de mise en œuvre d’être adoptée. 










https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/C/bo24475328.html

7 sept. 2018

Mise en perspective sur la procédure de règlement des différends du chapitre 19 de l’ALÉNA


Dans le cadre de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), l’Administration américaine veut se débarrasser du mécanisme de règlement des différends en matière de droits compensateurs et antidumping   (chapitre 19), alors que le Canada semble y tenir mordicus. Il s’agit là d’un enjeu important des pourparlers canado-américains, alors que, de son côté, le Mexique aurait lancé la serviette à ce sujet.

Un peu d’histoire

Le chapitre 19 est avant tout un compromis. À l’origine, le Canada cherchait à obtenir, dans le cadre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALÉ), un nouveau régime pour remplacer les recours commerciaux existants en matière de subvention et de dumping dans les échanges entre les deux pays. L’objectif était, dans la mesure du possible, de mettre les entreprises canadiennes à l’abri du harcèlement dont elles faisaient l’objet dans leurs efforts de positionnement sur le marché américain.

Ne pouvant s’entendre à court terme sur un nouveau régime commercial, en raison en particulier de la complexité du sujet, les deux pays ont convenu d’établir, sur une base temporaire, un mécanisme bilatéral de règlement des différends et de se donner du temps (sept ans à compter de l’entrée en vigueur de l’accord bilatéral) pour convenir de nouvelles règles en matière de subventions et de dumping. Ce compromis, obtenu à l’arraché au début d’octobre 1987, est venu sauver le projet d’accord bilatéral de libre-échange.

Au moment de la négociation de l’ALÉNA, il n’y a pas eu de progrès sur la question des nouvelles règles. Il a alors été convenu de pérenniser le mécanisme de règlement des différends et de tenir des consultations, sans échéance précise, en vue d’en venir à un nouvel ensemble de règles. En 1993, sans pour autant modifier l’ALÉNA, le nouveau gouvernement canadien a obtenu un engagement d’échéancier pour conclure les consultations prévues au chapitre 19, engagement qui n’a pas eu toutefois de suite concrète.

Par le détour des négociations commerciales multilatérales du Cycle d’Uruguay (1986-1994), il y a tout de même eu, dans une perspective canadienne, des progrès non négligeables qui ont mené à des changements aux législations internes sur les recours commerciaux, notamment en matière de subventions. À titre d’exemple, elles ont été modifiées pour tenir compte des dispositions de l’article 8 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires, l’un des Accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cet article est venu, à certaines conditions, exempter de mesures compensatoires l’aide octroyée à des activités de recherche, aux régions défavorisées et à l’adaptation d’installations existantes à de nouvelles normes environnementales.

Pour revenir au processus de règlement des différends du chapitre 19, l’examen par des groupes d’experts des décisions nationales en matière de subventions et de dumping a été utile dans bien des dossiers. Par exemple, peu de temps après l’entrée en vigueur de l’ALÉ, le droit compensateur américain sur les exportations canadiennes de viande de porc a été annulé à la suite de la révision par un groupe d’experts de la décision de menace de préjudice de l’International Trade Commission. En revanche, les succès devant de tels groupes dans le différend sur le bois d’œuvre n’ont pas pour autant mis un point final à ce litige, dont les origines remontent aux années 1980.

Des interrogations sur ce qui s’en vient

La renégociation de l’ALÉNA va-t-elle permettre au Canada de réaliser son rêve d’un nouveau régime commercial qui rendrait caduc le mécanisme de règlement des différends du chapitre 19? On peut en douter en raison notamment des objections que pourrait susciter aux États-Unis un tel régime d’exception. Il ferait, immanquablement, l’objet de revendications de la part de nombreux autres partenaires commerciaux ayant des accords ou étant en négociation actuellement avec ce pays. Aussi, bien des industries américaines n’accepteraient pas une diminution de leur arsenal pour attaquer leurs concurrents étrangers.

Des modifications à la procédure du chapitre 19, proposées au cours des derniers mois par des spécialistes, seront-elles suffisantes pour amener l’Administration américaine à laisser tomber son  opposition à son renouvellement? En voici des exemples : uniquement des avocats ou des juges à la retraite pourraient être membres des groupes de révision; plus d’égards que présentement pourraient être donnés aux façons de faire des instances nationales qui  examinent en appel les décisions de subventionnement et de dumping. Certains sont allés jusqu’à proposer d’inclure à l’actuel chapitre 20 sur les dispositions institutionnelles l’essentiel des procédures des chapitres 19 et 11 (règlement des différends entre États et investisseurs) afin d’atténuer la stigmatisation dont ils font l’objet.


Par ailleurs, l’utilisation récente et de plus en plus répandue de la section 232 sur la sécurité nationale de la législation commerciale américaine pour assommer la concurrence étrangère ne risque-t-elle pas de rendre désuet ou largement inopérant le processus  de règlement des différends du chapitre 19? En effet, nul besoin de faire la preuve de subventionnement ou de dumping et la preuve de dommage à l’industrie en utilisant cette section où l’Administration dispose d’une grande marge de manœuvre; par conséquent, aucune base pour recourir à des groupes d’experts. L’arbitraire à son meilleur!

16 juin 2018

«Demolition man» The Economist

Voilà un titre judicieux pour coiffer un éditorial  de The Economist sur la politique étrangère du président des États-Unis, Donald Trump. Je retiens ici une phrase, même si tout le texte est à lire : «America First today; in the long run America Alone.»

Source : The Economist. «Demolition man». Édition du 9 juin 2018, page 11.

26 avr. 2018

«Le Beau Livre de la Terre – De la formation du système solaire à nos jours » de Patrick De Wever avec la collaboration de Jean-François Buoncristiani


Ce livre porte bien son titre. En effet, quel beau livre! Deux cents pages de textes et tout autant d’images qui nous instruisent sur l’évolution de la terre sur près de 4,6 milliards d’années.

Au dix-septième siècle, les autorités catholiques croient et imposent l’assertion que notre planète a été créée il y a six mille ans (page 304). Au dix-huitième siècle, le comte de Buffon ose avancer qu’elle a au moins vingt-cinq mille ans. Il en vient même à calculer un jour qu’elle a plus de dix millions d’années (page 314). Plus tard, d’autres ajoutent des centaines de millions d’années (page 348), non sans susciter la controverse.

Ce n’est toutefois qu’au vingtième siècle que l’âge de la terre est établi avec une certaine précision, car «La découverte de la radioactivité ouvre la voie à un âge chiffré des roches» (page 350).

Croyez-vous à l’enfer? Et bien, Wever raconte qu’il a bel et bien existé sur terre durant son premier demi-millénaire. D’ailleurs, le nom donné à cette période par les spécialistes, l’hadéen, provient du nom du maître des enfers, Hadès, dans la mythologie grecque (page 5).

Que retrouve-t-on aussi dans cet excellent livre de référence?

Voici quelques exemples de sujets :

L’origine de la lune,

L’apparition progressive et l’évolution du vivant,

Les cinq crises majeures de la biodiversité où disparaissent des espèces, notamment au cours de la troisième où, il y a 252 millions d’années, 70 % des espèces s’éteignent sur les continents et 95 % des espèces dans les océans,

Les périodes glaciaires et interglaciaires (les gens qui n’aiment pas l’hiver sont quelque peu sceptiques quand on leur indique que depuis près de 12 000 ans nous vivons un temps interglaciaire, donc nettement moins froid que les longues glaciations),

L’évolution des continents et des océans,

Les changements suscités par la chute des météores,

L’importance des éruptions volcaniques pour connaître l’intérieur de la terre ainsi que la vie au moment où elles se produisent par l’examen des vestiges figés à jamais par les laves,

L’histoire de la terre racontée par l’analyse des roches et de leurs minéraux ainsi que des fossiles qui s’y sont logés,

L’importance de la couche d’ozone pour protéger la vie des rayons ultraviolets du soleil,

L’évolution de la présence des humains et leur colonisation des continents,

Des références à des personnages qui ont contribué à la connaissance de l’histoire de la terre,

Une esquisse de ce que la terre ou le soleil pourraient devenir dans un avenir lointain : 50 000 ans, 50 millions d’années et 5 milliards d’années.

Si vous écoutez régulièrement l’émission «Découverte» à la télé de Radio-Canada,  l’essentiel de l’histoire de notre planète vous y a déjà été racontée. Ce livre ajoute toutefois des précisions et des détails particulièrement intéressants, dont, par exemple, l’origine des pierres utilisées pour la construction de la cathédrale Notre-Dame de Paris (page 212) ou la présence de baleines dans le désert (page 220).

Après avoir savouré l’histoire des civilisations dans «La grande aventure de l’humanité» et jeté un coup d’œil captivant à la préhistoire dans «Mémoires de préhistoriens», j’ai eu bien du plaisir à en apprendre sur l’histoire de notre planète.

À l’endos du livre, il est écrit « …lisez-le d’une traite ou dégustez-le au gré de vos envies, pour découvrir les mystères de notre planète.» : j’ai choisi la deuxième option.

Laissons la fin de ce commentaire à l’auteur du livre :

«Sans ruptures, sans catastrophes, il n’y aurait pas de chronologie et le passé resterait indéchiffrable.» (page 1).

«…les dates retenues sont celles que la science retient à ce jour, et la science n’est pas une connaissance figée.» (page 2)

Référence

De Wever, Patrick. «Le Beau Livre de la Terre - De la formation du système solaire à nos jours». Dunod, 2014. 403 pages. La deuxième édition est datée de novembre 2017.





22 janv. 2018

«New York : the Novel» de Edward Rutherfurd


New York de Edward Rutherfurd est l’histoire romancée d’une ville à la fois mythique et contemporaine. Une cité marquée et marquante de l’histoire des derniers siècles.

Rutherfurd reprend, dans ce livre, son scénario, devenu traditionnel dans ses romans, où des familles se côtoient de génération en génération pour vivre ensemble l’évolution d’une société. Ses familles imaginaires, quoique vraisemblablement tout à fait typiques des diverses époques, y côtoient les George Washington, Benjamin Franklin, Abraham Lincoln et bien d’autres personnages de l’histoire américaine, à des moments importants et critiques, comme la révolution (1776-1783) et la guerre de sécession (1860-1866).

L’auteur nous fait vivre, par l’entremise de ses personnages, tout ce que New York peut signifier ou offrir : rêve, espoir, liberté, ambition, richesse, excès, démesure, pauvreté, échec, misère, violence, abus, trahison, tricherie; en somme, de bons ingrédients pour un roman. 

Aussi, que serait une histoire sur New York sans  références à son rôle comme plaque tournante du commerce, de la finance, de l’industrie et de tout autre chose qui touche de près ou de loin à l’économie, sans oublier les périodes de récession ou de crise. Le lecteur est servi à souhait sur le thème des affaires.

Rutherfurd n’oublie pas pour autant de nous décrire l’évolution de l’espace occupé par la ville, de son architecture,  de ses services publics, de ses activités culturelles, de la vie des bourgeois et des journaliers, des conditions d’existence des nombreux immigrants, etc. Il nous rappelle que les drames font partie de l’histoire de New York, dont l’incontournable 11 septembre 2001 qu’il fait vivre à quelques-uns de ses personnages.

Un aspect particulièrement intéressant, et brièvement abordé par Rutherfurd, a trait à la notion de propriété qui diffère chez les Européens de chez les Premières nations. Celles-ci n’avaient pas idée qu’en retour de biens insignifiants, elles en venaient à concéder des terres aux nouveaux arrivants européens : «Since Indians did not personnnaly own land, the idea that Minuit was buying the land in perpetuity would never have occured to them… No wonder there had been friction down the years.» (page 19) Friction nous apparaît  ici comme un euphémisme tenant compte de ce qui s’est passé à l’arrivée des Européens et par la suite en Amérique. Difficile d’imaginer pire sur le plan de la spoliation que ce qui a été vécu par les peuples indigènes de la planète, bien que, aujourd’hui, nous, descendants des colonisateurs européens, vivions dans le confort les conséquences du péché originel de nos ancêtres dans les Amériques.

Ce livre de Rutherfurd est captivant, mais il n’a pas suscité chez moi le même intérêt et le même plaisir que son  «Sarum» et  son «London».

P.S. : Un passage du livre où il est question de l’origine du mot dollar m’a incité à écrire un commentaire à ce sujet, à partir de diverses sources, il y a quelques mois : https://jailuetvous.blogspot.ca/2017/09/dou-vient-le-mot-dollar.html




https://penguinrandomhouse.ca/books/159191/new-york#9780385664271