24 mai 2017

150 ans et plus d'économie au Canada


Les 150 ans de la Confédération en 2017 sont une occasion de se remémorer l'évolution du Canada à bien des égards, et l'économie ne fait pas exception.

Pour mettre en perspective l’histoire de l’économie canadienne, j’ai préparé des commentaires sur le marché commun, la monnaie, l’ouverture aux échanges, la continentalisation ou la mondialisation.

Cet article est une version remaniée et modifiée de celle parue initialement le 24 mai dernier.

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Un marché commun à créer et à parfaire

À compter de 1846, le Royaume-Uni est devenu libre-échangiste. Les colonies britanniques de l'Amérique du Nord ont alors perdu leur accès préférentiel à ce marché. Pour compenser, le gouvernement britannique a négocié pour ses colonies un accès préférentiel pour leurs ressources au marché des États-Unis. Le Traité de réciprocité commerciale qui en a découlé n'aura toutefois été en vigueur qu'une dizaine d'années (1855 à 1866).

En unifiant ces colonies en un pays, la Confédération est venue, entre autres, établir les bases du marché commun canadien et de sa politique commerciale. Un nouveau marché était ainsi créé. Les droits de douane, principal obstacle artificiel au commerce à l'époque, y ont été prohibés dans le commerce interprovincial. En outre, faute de pouvoir rétablir la réciprocité commerciale entre le Canada et les États-Unis, le gouvernement fédéral adopta, à compter des années 1870, diverses mesures qui en sont venues à constituer sa «Politique nationale».

Cette politique comportait, entre autres, une augmentation importante des droits de douane sur les importations de produits manufacturés pour favoriser le développement au Canada d'industries productrices de biens de consommation et de biens d'équipement pour les besoins du marché intérieur. Elle mettait aussi l'accent sur les infrastructures portuaires et ferroviaires ainsi que sur le peuplement de l'Ouest canadien en encourageant l'immigration. Cette politique façonnera le développement économique du Canada pendant des générations.

Avec le temps, pour diverses raisons, les gouvernements ont aussi adopté des mesures qui en sont venues à constituer des entraves internes à la libre circulation des biens, des services ou des personnes. Néanmoins, il est relativement moins contraignant pour les entreprises de transiger d’une province à l’autre qu’avec l’étranger.*

Le mur tarifaire de la Politique nationale s'est toutefois graduellement érodé à partir de la deuxième moitié du vingtième siècle. Ont notamment contribué à cette érosion les résultats des négociations commerciales multilatérales tenues sous l'égide de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (maintenant partie intégrante des Accords de l’Organisation mondiale du commerce), et l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, devenu l'Accord de libre-échange nord-américain. Le recours à des obstacles non-tarifaires au commerce a aussi été encadré par ces divers accords.

Ces accords internationaux ont suscité des négociations visant à améliorer l’union économique au Canada, ce qui a donné naissance à l’Accord sur le commerce intérieur (1995). L’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne ainsi que le cent cinquantième anniversaire du Canada ont amené les gouvernements fédéral, des provinces et des territoires à aller plus avant en concluant l’Accord de libre-échange canadien (2017) qui entrera en vigueur le premier juillet.

Bien qu’il y ait eu des progrès notables, l’union économique au Canada demeure une œuvre inachevée à certains égards. Les efforts subséquents de libéralisation des échanges internes pourraient toutefois recevoir un coup de pouce de la Cour suprême. En effet, la Cour a accepté d’entendre la cause d’un résident du Nouveau-Brunswick qui a acheté de la bière au Québec pour consommation dans sa province, ce qui y est considéré illégal. La Cour a ainsi la possibilité de donner une interprétation moderne de la prohibition des droits de douane dans le commerce intérieur. Son jugement pourrait donc contribuer à faire tomber des obstacles aux échanges internes.


Bien des politiques, stratégies ou mesures peuvent aujourd'hui avoir des conséquences similaires à la Politique nationale même si elles n'y sont pas explicitement associées. Pensons à la gestion de l'offre de certains produits agricoles, aux restrictions à l'exportation de billes de bois, aux restrictions à la propriété étrangère de banques, de services de télécommunications ou de compagnies de transport aérien, aux restrictions au contenu étranger chez les diffuseurs à la télévision et à la radio, à l'exclusion de la santé, de la culture ou de l'éducation des engagements du Canada dans le cadre des accords commerciaux auxquels il adhère. Les programmes récents et à venir d’amélioration des infrastructures peuvent aussi être associés à l’idée d’une politique nationale visant à améliorer les échanges tant à l’interne qu’à l’externe, bien qu’ils n’aient pas la saveur protectionniste des exemples précédents.

Ainsi, le Canada, gouvernements fédéral et des provinces, continue de concilier l’ouverture aux échanges et la protection de certaines activités de la concurrence ou de la propriété étrangères dépendant des besoins de son économie et de ses priorités sur le plan du développement socio-économique.

Enfin, rappelons que la libéralisation des échanges internationaux du Canada et l’amélioration de l’union économique canadienne étaient partie intégrante des recommandations de la Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada, dont le rapport final a été publié en septembre 1985. Comme quoi ce ne sont pas tous les rapports qui sont destinés à la «tablette».

* À titre d’illustration, les exportations de biens et services du Québec vers le reste du Canada, un marché de 27 millions de personnes, ont atteint 72,3 milliards de dollars en 2016, soit près de 2 700$ par habitant. Celles vers l’étranger, un marché de 7,3 milliards de personnes, ont totalisé 108,5 milliards de dollars, soit près de 15$ par habitant.


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La monnaie au Canada, du chaos à la recherche d’une politique monétaire efficace

 (Commentaire mis à jour le 8 octobre 2017)

L’histoire du dollar et de la politique monétaire comportent des renseignements intéressants sur l'évolution de l'économie canadienne. Par le prisme de la monnaie, on peut examiner des changements dans des stratégies gouvernementales. James Powell a étudié de fond en comble cette histoire dans son livre intitulé «Le dollar canadien : une perspective historique», et ce commentaire-ci s’en inspire grandement.


Un fouillis à organiser

Powell examine les moyens d'échange des Premières nations et ceux de l'époque de la colonisation française et britannique. Il y a en ces temps une multitude de monnaies de diverses origines en circulation. Il utilise l'expression  «chaos monétaire» (page ii) pour décrire la situation. En période de pénurie de pièces de monnaie, même les jeux de cartes ont été utilisés, comme quoi nos ancêtres savaient innover et se débrouiller.

Ce billet, émis en 1837, illustre bien la multitude de monnaies utilisées au Bas-Canada durant la première moitié du dix-neuvième siècle.[1]



Au milieu du dix-neuvième siècle, l’heure des choix a sonné. Le gouvernement du Canada-Uni décide de tenir ses comptes en dollars, et non pas en livres, à compter du 31 décembre 1857. La monnaie canadienne voit le jour en 1858, sous forme de «… pièces d'argent et de bronze libellées en cents et portant le mot « Canada »…» (page 26).[2] Ces décisions déçoivent les dirigeants de la métropole britannique; ils préfèrent que la colonie utilise la livre, devise de l’empire. Le dollar s’impose toutefois puisque les échanges économiques se font de plus en plus avec les États-Unis où cette devise est la monnaie officielle depuis la fin du dix-huitième siècle.

Quant au papier-monnaie libellé en dollars, le gouvernement du Canada-Uni en émet, à compter de 1866, par l'intermédiaire de la Banque de Montréal. Toutefois, des billets de banque, libellés en dollars, entre autres, sont en circulation depuis la première moitié du dix-neuvième siècle, et des banques continuent d'en émettre jusqu'en…1944, bien que ce droit ait été auparavant graduellement restreint.


La Confédération de 1867 vient s’ajouter aux décisions antérieures pour mettre de l'ordre dans le fouillis monétaire des colonies.  L’Acte de l’Amérique du Nord britannique attribue au gouvernement fédéral la compétence sur la monnaie et les banques, ce qui permet d’uniformiser graduellement les pratiques dans ces domaines. Apparaissent, peu de temps après, la Loi des banques et les Billets du Dominion. Ces billets sont remplacés en 1935 par ceux  de la Banque du Canada (la Banque); celle-ci vient tout juste d’ailleurs de voir le jour dans le sillage de la Grande dépression économique (la dépression) du début des années 1930.

Une politique monétaire en évolution


Le Canada expérimente divers régimes pour son dollar, dont l'étalon-or, le taux de change fixe et le dollar flottant. «L'expérience canadienne montre toutefois qu'aucun régime de change n'est parfait.» (page 98).


L’étalon-or[3], en vigueur de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle au début du vingtième, offre peu  de flexibilité pour adapter l’économie aux changements, particulièrement en période de difficultés importantes. En revanche, il donne de la crédibilité à la monnaie et il suscite la confiance.

Les parités fixes, mais ajustables, des monnaies nationales par rapport au dollar américain, après la deuxième guerre mondiale, redonnent confiance en la valeur de la monnaie après les épisodes de dévaluation dans bien des pays dans le contexte de la dépression et de la guerre. Tout comme l’étalon-or, elles ne laissent pas suffisamment de marge de manœuvre pour apporter des ajustements advenant des chocs de diverses natures.

Pour le Canada, la flexibilité et l’autonomie monétaires passent finalement par le flottement de la valeur de son dollar par rapport à celle des autres devises. Il est d’ailleurs précurseur en la matière puisque la monnaie flottante est devenue la norme dans le monde depuis que les États-Unis ont abandonné la convertibilité-or de leur dollar au début des années 1970.

Le dollar flottant, le contrôle des prix et des salaires, instauré au milieu des années 1970, et la gestion de la croissance de la masse monétaire ne sont pas suffisants pour contenir l’inflation. Au tournant des années 1980, à l’instar de la Réserve fédérale américaine, la Banque augmente les taux d’intérêt : le taux d’escompte atteint 21 % en août 1981, du jamais vu depuis la création de la Banque. Sa politique monétaire restrictive contribue à précipiter l’économie canadienne dans une récession sévère. En revanche, le taux d’inflation diminue de façon importante.

Fin des années 1980 et début des années 1990, la Banque adopte de nouveau une politique monétaire restrictive (le taux d’escompte culmine à 14 % en mai 1990) afin d’atténuer la hausse des prix. L’économie est de nouveau en récession sévère, et c’est d’ailleurs la plus longue depuis la dépression. En 1991, le gouvernement fédéral et la Banque ajoutent à leur arsenal en adoptant une stratégie de ciblage de l’inflation. La cible est établie à 2 %, et elle y demeurera jusqu’à au moins la fin de 2021. La stratégie de lutte à l’inflation de l’époque vient  briser de façon durable les anticipations d'augmentation des prix avec comme résultat que, depuis 1992, en variation annuelle moyenne, la hausse de l’indice des prix à la consommation demeure en-deça de 3,0 %.



Le rythme de progression des prix étant conforme aux attentes, la Banque adopte une politique expansionniste à compter de 2008 dans un contexte de récession et de crise financière, notamment aux États-Unis et en Europe. À compter de la mi-année 2009, la reprise suivie d’une expansion modeste amènent la Banque à maintenir les taux d’intérêt à des niveaux historiquement bas. Cela contribue à l’endettement des ménages et à une hausse des prix des actifs, notamment dans le secteur résidentiel. Ces bas taux d’intérêt sont loin d’encourager l’épargne, et ils contribuent à une diversification des placements vers des investissements risqués à rendement potentiellement élevé. Ce qui peut laisser croire à un préjugé favorable à l’endettement au détriment de l’épargne, peut aussi laisser présager les problèmes de demain sur le plan de la politique monétaire.

En 2005, James Powell résume ainsi l’expérience canadienne :

«Ce n’est qu’à la suite de l’établissement d’un régime monétaire cohérent que la Banque du Canada a été en mesure de mettre à profit son indépendance en matière de politique monétaire. Elle a pu alors se concentrer sur la protection du pouvoir d’achat intérieur du dollar canadien par le maintien du taux d’inflation à de bas niveaux, tout en permettant à la valeur externe de la monnaie de s’adapter aux chocs.» (page 99)

Douze ans plus tard, ce constat est encore valable. On peut y ajouter que, même si elle a gagné en autonomie dans le temps, la politique monétaire du Canada demeure influencée par celle de son principal partenaire économique, les États-Unis. En outre, la Banque dispose encore d’une marge de manœuvre pour intervenir advenant des chocs économiques importants. Le recours à l’augmentation de la masse monétaire par l’achat massif de titres de dettes publiques ou privées, soit l’assouplissement quantitatif, n’est pas exclu.

Des défis à relever


Le principal défi de la Banque ces temps-ci consiste à mettre fin graduellement à la «détente monétaire»[4]. Elle joue prudemment afin de ne pas mettre en péril l’expansion économique dans un contexte où persistent de nombreux risques et incertitudes.

En outre, les crypto-monnaies (bitcoins, etc.) peuvent contribuer à décentraliser l’offre de monnaie après 150 ans d’efforts pour la centraliser. C’est une concurrence inédite pour les banques centrales, mais aussi un éventuel outil de politique monétaire. L’avènement de quasi-banques, de nouveaux modes de prestations de services et de nouvelles technologies financières (les Fintech) va aussi nécessiter des ajustements sur le plan de l’encadrement et des normes; la législation fédérale encadrant le secteur financier devrait d’ailleurs être précisée et modernisée d’ici mars 2019. Crypto-monnaies, nouveaux services  et nouvelles technologies peuvent être à la fois source de perturbations et de «destruction créatrice».


Quant aux variations importantes de la valeur du dollar canadien, notamment par rapport à celui des États-Unis, au cours des dernières décennies, elles constituent tout un défi pour les entreprises et les individus qui commercent, investissent ou voyagent à l’étranger. La Banque a cessé, à compter d’août 1998, d’intervenir sur le marché des changes pour contrer les variations importantes du dollar. Sa valeur reste fortement influencée par l’évolution volatile du prix des produits à base de ressources exportés, en particulier le pétrole, et par l’écart des taux d’intérêt entre le Canada et les États-Unis.

En somme, la monnaie et la politique monétaire évoluent en tenant compte des circonstances, des connaissances, des priorités et des développements technologiques. Elles n’ont rien d’immuable et il est  mieux qu’il en soit ainsi.

Mise à jour du 16 janvier 2018 : voici une capsule historique sur la monnaie canadienne publiée il y a quelques jours par le quotidien The Globe and Mail :



  




[1] Plusieurs exemples de billets de banque de la première moitié du dix-neuvième siècle apparaissent sur la page Internet de l’exposition «1792 – Naissance d’un Parlement» présentée à l’Hôtel du Parlement de Québec. 

[2] Les monnaies américaine et britannique continuent toutefois d'avoir cours légal et ce, jusque dans les années 1930.

[3]« En vertu de ce régime, la valeur du dollar canadien était fixée par rapport à l’or et était convertible à vue.» (page 37).

[4] Expression de la Banque pour décrire sa stratégie actuelle.



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Le plaidoyer d’ouverture du gouverneur de la Banque du Canada

Dans un discours prononcé en mars dernier*, Stephen Poloz, gouverneur de la Banque du Canada (BdC), y est allé d'une synthèse sur l'origine de la prospérité des Canadiens. Il y souligne l'importance au début de l'exploitation des ressources naturelles, suivie d'une diversification basée sur les industries de la fabrication. Il néglige toutefois d'examiner la contribution des industries de services, sauf les services de transport et une brève référence aux services financiers. Pourtant, en octobre 2016, le Rapport sur la politique monétaire  de la BdC signale, à juste titre, que les services sont devenus «le moteur de la croissance économique» (encadré 4, page 15).

L'essentiel de son discours porte sur l'importance de l'accès aux marchés extérieurs, de l'immigration et des investissements étrangers dans le développement de l'économie canadienne. C'est en quelque sorte une apologie de l'ouverture, gage de prospérité. Il y signale aussi l'importance de la concurrence dans l'innovation, source de gains de productivité essentiels à une augmentation du niveau de vie.

Le gouverneur Poloz est aussi bien au fait des conséquences de l'automatisation sur les travailleurs, et il juge «...primordial d'utiliser une partie des gains apportés par l'ouverture dans le but d'aider ceux qui peinent à s'ajuster aux forces mondiales.» (page 10 du discours).


* Lien vers le discours du 28 mars 2017 de Stephen S. Poloz, gouverneur de la Banque du Canada :




                               

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L’économie canadienne est-elle mondialisée?

À compter du milieu du dix-neuvième siècle, le Canada est passé graduellement d’une économie coloniale à une économie continentale. Aujourd’hui, des entreprises canadiennes vendent et achètent des biens et des services partout dans le monde. Elles investissent aussi dans un grand nombre de pays, tout comme des entreprises étrangères investissent ici. Les Canadiens voyagent partout sur la planète, et ils accueillent un grand nombre de visiteurs étrangers. L’omniprésence dans certains commerces de produits étiquetés Fabriqué en Chine amène bien des gens à voir là le reflet de la mondialisation. Les succursales de la Société des alcools du Québec offrent en abondance des produits provenant de tous les continents, exception faite, bien sûr, de l’Antarctique. Au-delà de ces exemples, l’économie canadienne est-elle pour autant devenue mondialisée? Que révèlent les indicateurs macro-économiques quant au degré de mondialisation de l’économie canadienne?
 
·         Les exportations de biens et services contribuent à environ un cinquième de l’ensemble de l’activité économique au Canada. En 2013, dernière année où des données sont disponibles, elles comptent, directement et indirectement, pour 21,7 % de la valeur ajoutée (PIB) et 16,9 % des emplois[1]. Les ventes aux États-Unis, à elles seules, représentent 15,3 % de la valeur ajoutée et 11,3 % des emplois. Ainsi, les ventes aux autres marchés participent relativement peu (6,3 %) à l’activité économique au pays.
·         Un peu plus des trois quarts des exportations canadiennes de biens (76 %) sont allés aux États-Unis en 2016. Des 43 255 entreprises exportant des marchandises cette année-là, 35 203 ont réalisé des ventes aux États-Unis et 25 088 l’ont fait uniquement vers ce pays.
·         Les importations jouent un rôle important au Canada pour, entre autres, répondre aux besoins des consommateurs et à ceux des entreprises à la recherche de biens d’équipement. Le contenu en importations des exportations est loin d’être négligeable dans certaines industries, notamment celles du matériel de transport. Une fois que l’on a tenu compte des importations en provenance des États-Unis (52 % du total des importations de biens) et de la Chine (12 %), il reste relativement peu pour les autres fournisseurs étrangers.
·         Le commerce des services du Canada est moins dépendant des États-Unis que ses échanges de biens, mais ce pays compte tout de même pour 55 % de ses exportations et 54,4 % de ses importations.
·         La part des actifs canadiens sous contrôle étranger atteint 17,2 % en 2015. La moitié de ces actifs est contrôlé par des entreprises américaines. En outre, seulement 11,8 % des emplois au Canada se retrouvent dans des sociétés à propriété étrangère en 2015. Toutefois, Statistique Canada attribue à ces sociétés 71,9 % du commerce extérieur de services technologiques, 52,8 % du commerce des marchandises, 49,9 % de celui des services commerciaux et 34,5 % des dépenses internes de recherche et développement d’où leur importance stratégique.
·         Près des deux tiers de l’actif total détenu par des sociétés canadiennes oeuvrant à l’étranger sont localisés en Amérique du Nord (États-Unis et Mexique) en 2015. Cette région compte aussi pour la moitié de leurs employés travaillant à l’étranger.

Ainsi, la mondialisation n’est vraisemblablement pas aussi importante au Canada que ce que l’actualité économique peut bien des fois laisser croire. Même sur le plan de l’inflation, la Banque du Canada est venue affirmer dans son Rapport sur la politique monétaire d’octobre dernier que « La mondialisation ne contribue probablement pas de manière importante au bas niveau de l’inflation»[2].

En revanche, la mondialisation a un sens tout particulier au Canada lorsque l’on examine la composition de sa population. Les données de Statistique Canada provenant du Recensement de 2016 révèlent que :

·         Plus d’un cinquième (21,9 %) de la population du Canada est née à l’étranger.
·         Près de la moitié (48,1 %) de la population née hors du pays vient de l’Asie, et un peu plus du quart (27,7 %) de l’Europe. L’Afrique contribue de plus en plus à la population canadienne. Ce continent est maintenant le deuxième en importance du point de vue de l’immigration récente au pays.
·         Environ six immigrants récents sur dix ont été admis en vertu du volet économique.
·         Deux enfants canadiens sur cinq sont issus de l’immigration.
·         Plus de 250 groupes ethniques contribuent à la diversité de la population canadienne.

Cette empreinte de la mondialisation au Canada est donc loin d’être négligeable, car sa capacité de développement économique tient, d’abord et avant tout, à ses ressources humaines. Les besoins en main d’œuvre vont grandissants, et le recours à celle provenant de l’extérieur du pays prend de l’ampleur.

Le tour d’horizon qui vient d’être fait porte à conclure que l’économie canadienne est bien davantage continentale que mondialisée. Sur le plan macro-économique, le marché intérieur est à l’origine de plus des trois quarts de l’activité économique. En outre, sans surprise, une grande part des échanges mondiaux du Canada est attribuable aux relations économiques avec les États-Unis. Les efforts importants de diversification des marchés déployés depuis près d’un demi-siècle n’ont pas encore réussi à modifier la tendance de fond. En revanche, la population canadienne est de plus en plus diversifiée, et elle devient graduellement un microcosme de l’humanité.

 Aussi, il demeure très important de faciliter les échanges économiques entre les régions du Canada[3]. Même si l’Accord de libre-échange canadien est entré en vigueur le premier juillet dernier, subsistent plusieurs mesures ayant pour effet de diminuer le potentiel des échanges entre les provinces. Avec les États-Unis, la seule préservation des acquis semble tout un défi ces temps-ci dans un contexte de recrudescence du nationalisme politique et économique dans ce pays. L’influence américaine sur le mode de vie des Canadiens et des autres peuples n’en est pas moins importante en raison, entre autres, de la création et de la destruction économiques suscitées par les Alphabet, Amazon, Apple, Facebook, Netflix, Walmart, etc., de ce monde.

Enfin, on ne peut exclure la possibilité que la mondialisation ait plus de retombées et de conséquences au Canada que ce qui peut être mesuré sur le plan économique. Le Village global envisagé par Marshall McLuhan durant les années 1960 existe bel et bien aujourd’hui à divers égards. Pensons au réseautage des scientifiques et des experts internationaux rendu plus aisé grâce aux technologies de l’information et des communications. Les développements qui en découlent en pratique ne sont pas nécessairement mesurés comme une retombée de la mondialisation. 





[1] En raison des limites des modèles d’impact économique, ces données sous-estiment quelque peu la contribution des exportations à l’économie, car elles ne tiennent pas compte des effets induits, notamment par les dépenses de consommation des travailleurs. En outre, il importe de distinguer la contribution des exportations à l’activité économique (leur valeur ajoutée) de la valeur totale des exportations par rapport au PIB nominal (un indicateur du degré d’ouverture d’une économie). Comme indiqué ci-dessus, la valeur ajoutée des exportations représentait 21,7 % du PIB canadien en 2013. En revanche, la même année, les exportations totales représentaient 30,2 % du PIB. La différence entre ces deux pourcentages donne une approximation du contenu en importations des exportations.
[2] Page 11, encadré 1 du Rapport.
[3] Une étude de Statistique Canada, publiée le 14 septembre dernier, mesure l’équivalent tarifaire des obstacles au commerce entre les provinces avant l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange canadien.