16 mars 2013

«La grande aventure de l'humanité» de Arnold Toynbee


Je viens de refaire le fascinant voyage dans le temps que nous a offert Arnold Toynbee dans son œuvre intitulée «La grande aventure de l’humanité». Je l’avais lue il y a trente-cinq ans, et en tournant la dernière page cette fois-ci, j’ai eu envie de m’y remettre une troisième fois tellement ce livre est riche en renseignements et en enseignements sur notre histoire.

Toynbee fait la genèse de la naissance, du développement, de la consolidation, de l’expansion, de l’apogée, du déclin, de la résurgence, de la régénérescence et de l’anéantissement des empires et des civilisations. Il décrit les héritages qu’ils ont laissés sur les plans de la connaissance, de la vie politique, économique, scientifique, culturelle et religieuse. Il examine aussi les relations qu’ils ont entretenues et les alliances  qu’ils ont conclues. Il rappelle les luttes internes et les révoltes qui sont survenues à divers moments, ainsi que les guerres où ils se sont affrontés ou se sont défendus contre des envahisseurs.

Les changements technologiques et leurs conséquences sur les modes de vie sont bien présents dans ses analyses. De l’invention de l’agriculture et de l’élevage, aux prouesses que constituaient le drainage et l’irrigation des terres chez les premières civilisations jusqu’à la révolution industrielle, tout y passe que ce soit sur les plans civil ou militaire.

Les nombreux personnages et les groupes humains qui ont laissé une trace dans l’histoire de l’humanité ne sont pas négligés dans son livre, tout comme les écoles de pensée ou les écoles philosophiques, les artistes, les écrivains, etc.

Comme, selon lui, «…, la religion est la plus importante de toutes les expériences et de toutes les activités humaines.» (page 141), il met en évidence les différences entre les religions et leurs points communs ainsi que les différends théologiques à l’intérieur des religions, particulièrement chez les chrétiens. D’ailleurs, aux personnes qui s’intéressent à l’histoire des religions, je suggère, en particulier :

-       Le chapitre 17, où l’on retrouve, entre autres, des références aux sources de mythes des Écritures, comme le déluge (page 134).

-       Le chapitre 25, où Toynbee identifie cinq prophètes du sixième siècle avant Jésus-Christ, dont quatre «…influencent encore l’humanité de nos jours,…» (page 173) : Zarathoustra, Deutéro-Isaïe, Bouddha, Confucius. Le cinquième est Pythagore. L’iranien Zarathoustra serait à l’origine de «conceptions spirituelles» comme l’immortalité, le Jugement dernier et l’action de Dieu par l’entremise du Saint-Esprit (page 174).

-       Le chapitre 38, où l’auteur nous présente, entre autres, Marie en «…Isis hellénisée.» (page 280) et Jésus qui «…récusait lui-même l’idée de sa divinité.» (page 281), ainsi que les concurrents de celui-ci dans le rôle de «Sauveur» (page 283) et celui de «Dieu incarné» (page 284).

-       Les chapitres 49 portant sur «Mahomet, le prophète et l’homme d’État» et 50 sur «L’expansion de l’État islamique». Le passage (pages 350 et 351) sur comment le successeur du prophète, Abou Bakr, a réussi à convaincre des insurgés de s’unir à lui est particulièrement intéressant.

Dans les derniers chapitres, l’auteur s’arrête sur là où en est rendu l’humanité depuis l’avènement de la révolution industrielle. Il nous livre aussi ses pensées, ses réflexions et ses inquiétudes quant à son avenir  et celui de l’ensemble de la biosphère. Il souligne les progrès matériels importants dans divers domaines, mais il estime que l’Homme «…n’a pas accru ses potentialités spirituelles.» (page 544). Il voit aussi «…une contradiction entre le morcellement politique de l’oikoumenè…» et son «…unification globale…sur les plans technologique et économique. Cette monstrueuse erreur de jugement constitue vraiment le nœud du drame que vit l’humanité aujourd’hui. L’une ou l’autre forme de gouvernement mondial est indispensable pour maintenir la paix…» (pages 555 et 556). S’il pouvait jeter un coup d’œil à là où nous en sommes, il verrait que de lents progrès vers cet objectif sont en cours.  

Ce livre de Toynbee est un immense trésor de connaissances en 563 pages. Il peut sembler ironique de dire que c’est une synthèse, mais tenant compte du sujet et du fait que son œuvre maîtresse sur l’histoire a été publiée en 12 volumes, 563 pages, c’est, sans contredit, un tour de force intellectuelle et bel et bien une synthèse.

Toynbee a écrit, et soulignons qu’il est décédé en 1975, «Le futur est énigmatique, mais il semble possible que, au chapitre suivant de l’histoire de l’oikoumenè, la direction passe de l’Amérique à l’Asie orientale.» (page 44) jouant ainsi, à sa façon, le rôle de prophète.

Tous devraient avoir la possibilité de lire ce livre. Ce qui me surprend, c’est que bien des gens qui ont étudié l’histoire à l’université, et dans certains cas l’enseignent maintenant, n’ont jamais entendu parler de Toynbee ou ne s’en souviennent pas. Il est pourtant reconnu comme étant l’un des plus grands historiens que le vingtième siècle ait connus.

Je ne passerai jamais à l’histoire, mais je suis content qu’elle soit passée chez moi grâce à Toynbee.

Références :

Toynbee, Arnold. «La grande aventure de l’humanité». Elsevier Séquoia, 1977. 563 pages. Une édition plus récente a été publiée chez Payot.
La version originale «Mankind and Mother Earth. A narrative history of the world» a été publiée en 1976 chez Oxford University Press