6 mars 2021

« La story de la langue française » de Jean Pruvost

À l’école, la « Grammaire française » de Jean-Marie Laurence nous apprenait que le français provenait de l’intégration de trois langues : le celtique (version gauloise), le latin et le germanique. L’histoire s’arrêtait là, et nous passions, cela va de soi, à la grammaire. Dans « La story de langue française » de Jean Pruvost, l’histoire générale  et celle de la langue française deviennent un préalable à l’analyse de l’évolution du vocabulaire en français.

Le français et l’anglais appartiennent à la grande famille des langues indo-européennes. On y retrouve des langues mortes, comme le latin et le sanskrit, et des langues vivantes, comme celles parlées en Europe ainsi que le persan et l’hindi (page 49). Toutefois, le français, par son association prononcée au latin, fait partie de la branche dite romane, et l’anglais de la branche germanique, tout comme l’allemand et les langues des pays scandinaves (page 50).

N’empêche, les liens entre le français et l’anglais sont importants, et ils remontent à près d’un millénaire. Guillaume le Conquérant et ses héritiers ont imposé le français à l’Angleterre à compter du onzième siècle de notre ère. L’histoire des liens entre ces deux langues, c’est également, à maints égards, celle des relations entre la France et l’Angleterre. Pruvost nous signale aussi, vers la fin de son livre, l’influence relativement récente et notable des États-Unis sur la langue française, particulièrement par l’usage en français du vocabulaire anglais de la gestion, du numérique, de la musique et du cinéma.

Pruvost écrit que «…le voyage des mots du français à l’anglais et de l’anglais au français au fil des siècles est incessant…» (page 46). Il en est résulté, bien des fois, des changements à leur écriture et à leur signification. Le mot « budget » en constitue une bonne illustration. Le mot gaulois bulga (signifiant sac) devient bougette (sac contenant des pièces de monnaie) en ancien français. Une fois arrivé en Angleterre, on le prononce boudgett, selon Druon*. Il y prend là sa signification moderne; il y est associé aux finances publiques notamment. Il revient en France avec ce sens à compter de la deuxième moitié du dix-huitième siècle (pages 56 et 57).

L’anglais vient au premier rang du palmarès des langues d’emprunt du français. Pruvost nous indique aussi que peu de Français sont conscients de l’importance de l’italien dans l’évolution de leur langue. Il est pourtant au deuxième rang des langues d’emprunt (page 176). L’auteur consacre d’ailleurs une soixantaine de pages à l’influence italienne (pages 195 à 257). Surprise, du moins pour moi, l’arabe qui n’a rien d’une langue indo-européenne, vient au troisième rang. À titre d’exemple, les mots « tasse », « café » et « alcool » sont d’origine arabe. Ainsi, lorsque vous utilisez les mots « tasse de café », il y a en quelque sorte de l’arabe dans votre langage. Les Vikings ont aussi laissé trace de leur passage dans la langue française.

Si votre prénom est Clovis, lisez la page 87, et vous verrez que vous auriez pu tout aussi bien vous appeler Louis, tenant compte de l’évolution de la façon de l’écrire.

En conclusion, la storie de la langue française abonde en exemples de mots qui reflètent les influences d’une langue sur une autre. Il s’agit là de l’une de ses richesses. C’est aussi, par le biais de la langue, une histoire de l’empreinte importante des relations entre les peuples. Seul point agaçant : les nombreuses références à la grand-mère de l’auteur au début du livre.

Offrez-vous ce livre de Jean Pruvost et le Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey. Ainsi, vous serez désormais bien outillés en ouvrages de références pour faire vos devoirs et vos exercices de lexicologie, du moins en français.

 

*Druon, Maurice. « Les Rois maudits ». Le livre de poche, tome 1, page 361.


 




Pruvost, Jean. « La story de la langue française – Ce que le français doit à l’anglais et vice-versa ». Éditions Tallandier, 2020.