29 oct. 2015

«Brève histoire des patriotes» de Gilles Laporte


Ici, au Québec, tout le monde connaît la Journée nationale des Patriotes puisque c’est un jour de congé férié le lundi précédant le 25 mai. Mais, qui peut prétendre bien les connaître nos Patriotes d’antan? Gilles Laporte, lui, les a bien étudiés, et il partage avec nous ses connaissances en en publiant une synthèse.

Son livre nous renseigne sur le contexte social, économique et politique de la première moitié du dix-neuvième siècle, sur les «quarante ans de lutte politique» de cette époque, sur l’étendue de la «mobilisation» dans les diverses régions du Bas-Canada, sur les insurrections de 1837 et de 1838 et la «mise en échec» des Patriotes. Il nous dresse aussi un portrait individuel de cinquante leaders du «mouvement patriote», dont Louis-Joseph Papineau, Robert et Wolfred Nelson, George-Étienne Cartier et Louis-Hippolyte La Fontaine. Certains ont été pendus, d’autres se sont exilés ou se sont fait imposer l’exil, quelques-uns sont mêmes devenus des bâtisseurs du Canada de 1867.

Les Patriotes ont été des précurseurs à bien des égards, selon Laporte, en militant pour la presse libre et la liberté d’expression, en constituant le premier parti politique organisé, en mettant sur pied le premier réseau scolaire laïque, en accordant aux Juifs le droit de siéger au Parlement, en célébrant la première Fête nationale du Québec et en contribuant à l’avènement de la «responsabilité ministérielle». Ils ont aussi dénoncé la peine de mort et réclamé des élections à tous les échelons du gouvernement, le suffrage universel, l’éducation gratuite et obligatoire, l’égalité de droits entre Blancs et Autochtones et l’établissement d’une république libre de toute attache à l’Angleterre (page 11).

Le Parlement où ils siégeaient n’avait cependant que peu de pouvoirs. Ils se limitaient, pour l’essentiel, à imposer des taxes pour financer les activités édictées par le Gouverneur. En découla une crise politique majeure qui vint s’ajouter à une crise sociale due à l’absence des francophones de la plupart des réseaux économiques et commerciaux et des lieux de pouvoir décisionnel. La crise sociale et la crise politique devinrent aussi une « crise ethnique» (pages 300 à 305) au moment des affrontements de 1837 et de 1838.  

Nos patriotes étaient bien organisés, structurés, éloquents, rassembleurs sur le plan politique, mais ils étaient, selon l’auteur, sans préparation et sans véritables moyens pour affronter la puissance militaire de la Grande-Bretagne qui avait ultimement décidé d’en finir avec les rebelles.

Une fois l’insurrection matée, Lord Durham en est venu à proposer «…à la fois d’accorder la souveraineté à la colonie sur les affaires intérieures et de promptement assimiler les Canadiens français à la culture anglo-saxonne,…» (page 305). L’histoire s’écrira autrement sur la question de l’assimilation.

Un livre à lire pour bien comprendre le contexte politique et socio-économique de l’époque des Patriotes et l’avènement de la contestation de l’ordre établi qui se transforma en rébellion, et d’où émergera une plus grande démocratie parlementaire au Canada.

 

Référence : Laporte, Gilles. «Brève histoire des Patriotes». Les éditions du Septentrion, 2015. 361 pages.
http://www.septentrion.qc.ca/catalogue/breve-histoire-des-patriotes
 

15 oct. 2015

Quel sera le sort réservé au Partenariat transpacifique?






Le Partenariat transpacifique (PTP) est, pour l’essentiel, un calque de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) et de ses Accords de coopération en matière d’environnement et de travail, si l’on se base, pour l’instant, sur le contenu de l’entente de principe survenue le 4 octobre dernier. Il y a bien sûr des ajouts ou des aménagements pour tenir compte de l’évolution de la façon de commercer de nos jours et pour faciliter l’adhésion  de pays en développement. Toutefois, son cadre de référence est bien l’ALÉNA. Le PTP en viendrait ainsi, en pratique, à étendre à neuf autres pays riverains du Pacifique la zone de libre-échange déjà en vigueur entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il reste toutefois à compléter des étapes importantes, notamment la rédaction du texte formel de l’entente et à obtenir sa ratification chez les divers pays concernés.

Le fait que le PTP s’inspire de l’ALÉNA, dont les origines remontent à il y a un peu plus d’un quart de siècle avec l’adoption de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, n’assure pas pour autant sa mise en œuvre. Sa filiation aux Accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), bien qu’évidente, n’est pas non plus gage qu’il voit le jour.

Les projets d’accords commerciaux de grande portée, tant sur le plan du contenu que du nombre de partenaires, ont de la difficulté à se concrétiser depuis le milieu des années 1990 ou le début du millénaire. Pensons au projet de zone de libre-échange des Amériques, aux négociations commerciales multilatérales de Doha sous l’égide de l’OMC, aux tentatives de négocier un accord de libre-échange entre les pays membres de l’APEC, et, plus récemment, au projet d’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (UE) et à la nouvelle tentative de négocier une entente équivalente entre les États-Unis et l’UE. Les négociations d’un Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) à l’OCDE sont aussi un autre exemple de projet de libéralisation qui n’a pas abouti.  Ajoutons à cela que même l’Union européenne est remise en question dans certains milieux, notamment au Royaume-Uni où le maintien de ce pays dans l’UE pourrait faire l’objet d’une consultation populaire à court ou moyen terme.

On aurait pu croire qu’une fois engrangés les impacts et les retombées des accords commerciaux de grande envergure de la fin du vingtième siècle et de l’adhésion de la Chine à l’OMC en 2001, l’élan vers de nouveaux accords et leur attrait seraient pratiquement irrésistibles.

Le ressac contre la mondialisation de l’économie et l’inquiétude que suscitent les nouveaux projets de libéralisation ont toutefois eu raison jusqu’à maintenant des intentions des gouvernements et des milieux économiques. L’adhésion de la population à ces initiatives n’est plus aussi largement répandue qu’auparavant, et les manifestations des groupes antimondialisation et leur version «Occupy» ont obtenu bien des appuis ces dernières années. La récession et la crise financière de 2008-2009, suivies d’une reprise et d’une expansion modestes de l’économie mondiale, ont aussi contribué à fragiliser l’appui populaire à la libéralisation des échanges commerciaux et de l’investissement.

Pour revenir de façon plus spécifique à la question de départ, le sort du PTP risque bien de se jouer aux États-Unis. Sans leur adhésion, cet accord perdrait une bonne partie de sa signification économique pour un bon nombre de pays. Peu d’États se risqueront à le ratifier sans avoir l’assurance que les États-Unis en feront autant. Or, à ce sujet, les paris sont ouverts, et on ne peut avec certitude, pour l’instant, affirmer dans quel sens le Congrès américain penchera lorsque le PTP lui sera soumis par l’Administration américaine pour obtenir l’autorisation de le signer, à la fois du Sénat et de la Chambre des Représentants.

Quant au Canada, si le PTP ne va pas de l’avant, il pourra toujours trouver consolation  dans le fait qu’il a déjà des accords de libre-échange avec quatre des onze autres participants aux négociations et à l’entente de principe, soit les États-Unis, le Mexique, le Chili et le Pérou. Sur la base du contenu du PTP, il pourra aussi intensifier ses négociations déjà amorcées sur une base bilatérale avec le Japon et Singapour, eux aussi du club des douze.

En conclusion, l’entente de principe du 4 octobre n’est qu’une étape dans un processus long, complexe et parsemé d’embûches avant que le PTP ne devienne réalité. Quant au sort qui lui sera ultimement réservé, seul l’avenir le dira.  Peut-être saura-t-il obtenir suffisamment d’appuis pour infléchir la tendance des quinze ou vingt dernières années.