6 août 2019

«People, Power, and Profits: Progressive Capitalism for an Age of Discontent» de Joseph E. Stiglitz



Dans ce livre, Stiglitz analyse l’économie et la politique américaines. Il critique aussi les orientations économiques retenues depuis le début des années 1980,  leur faisant porter l’odieux de la détérioration de la qualité de vie dans son pays. Il va cependant plus loin en proposant des réformes visant à améliorer le bien-être de ses concitoyens.

Lire ce livre constitue un bon exercice de révision de bien des notions de base en économie. Le lecteur appréciera l’approche pédagogique de l’auteur dans l’explication du fonctionnement de l’économie. Les exemples abondent d’ailleurs pour venir appuyer les concepts présentés dans plusieurs chapitres.

Les inégalités économiques croissantes continuent d’être au centre des préoccupations de ce Nobel d’économie. Il nous confie que ce sujet l’amena dans sa jeunesse à choisir l’étude de l’économie plutôt que celle de la physique théorique.

Son diagnostic de l’économie américaine porte en particulier sur la financiarisation excessive, la gestion déficiente de la mondialisation, l’abus des positions dominantes de marché et, en corollaire, le manque de concurrence, les lacunes dans le passage d’une économie centrée sur la fabrication à une économie de services, l’insuffisance de l’investissement dans les personnes, les infrastructures et la technologie, ainsi que la confiance exagérée dans la capacité des marchés à solutionner tous les problèmes. Il s’inquiète aussi des dérives de la démocratie américaine où l’argent prend une importance et une influence démesurées.


Stiglitz examine aussi les sources de la prospérité que ce soit l’éducation, les progrès en matière de science et de technologie, la règle du droit, l’équilibre des pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire, etc.

Son diagnostic et son examen des fondements de la prospérité l’amènent à proposer un agenda de réformes propres à améliorer le bien-être des Américains. Il préconise de conjuguer les efforts du marché et du gouvernement, et non pas de les opposer l’un à l’autre. Une meilleure organisation de la société et des institutions démocratiques est aussi incluse dans son agenda. À peu près tout y passe en matière de protection et de justice sociales : l’assurance-chômage, le financement de l’éducation et de l’aide aux étudiants, le revenu minimum garanti, une fiscalité progressive, l’assurance-santé, incluant les médicaments, la sécurité de la vieillesse, l’accès à la propriété résidentielle, etc.

Son analyse n’est cependant pas sans failles, notamment lorsqu’il compare les succès sur le plan de la croissance de l’économie américaine dans les décennies suivant la Seconde Guerre mondiale avec les résultats moins enviables au cours des plus récentes. S’il est vrai que la croissance et la prospérité ont été plus marquées dans la première période, Stiglitz néglige cependant de préciser que les États-Unis profitent alors de l’absence de concurrence des autres économies en reconstruction de leur base industrielle détruite au cours de la guerre. D’ailleurs, les industriels américains profitent de ces efforts de reconstruction à l’étranger, efforts financés pour un bonne part par les États-Unis.

Le lecteur peut aussi avoir l’impression que l’auteur se fait quelque peu le chantre du bon vieux temps ou de l’époque de sa jeunesse. Pourtant, les problèmes économiques et sociaux abondaient aussi en ces temps. Une mise en perspective mieux dosée aurait été souhaitable, bien que l’on puisse comprendre son désir de retrouver une Amérique plus prospère et plus équilibrée dans la répartition de la richesse. «Make America Great Again» pourrait bien être le slogan de son agenda progressiste pour son pays, mais un autre personnage s’en sert déjà à profusion, sans pour autant, bien entendu, retenir les mêmes  objectifs et orientations que Stiglitz.

En outre, son agenda de réformes gagnerait en crédibilité et en adhésion s’il n’en faisait pas une proposition explicite de programme pour les Démocrates : «I have outlined a platform that I believe can serve as a consensus for a renewed Democratic Party.» (page 242). Il confère ainsi une dimension partisane à ses propositions. Les Républicains, qu’il critique abondamment dans son livre, ne risquent pas d’aller s’en inspirer, ne serait-ce qu’un tant soit peu, dans un tel contexte.

Enfin, Stiglitz n’en fait pas mention, mais maintes exemples de ce qu’il propose existent ailleurs, notamment au Canada et en particulier au Québec, que ce soit sur le plan de l’assurance-maladie, de l’assurance-médicaments, du financement des partis politiques, de l’aide financière aux études, de la fiscalité comme outil pour atténuer les inégalités et appuyer la classe moyenne, etc. Il n’y a pas de mal à puiser des exemples au Nord des États-Unis. «We the North»* avons des idées et des expériences utiles.

La phrase finale de cette oeuvre, «It is not too late to save capitalism from itself.» (page 245), résume bien en un sens l'intention des réformes proposées par Stiglitz.


* Leitmotiv des Raptors de Toronto qui a rallié l’ensemble du Canada au printemps dernier lors de la finale de la National Basketball Association.






Stiglitz, Joseph E. «People, Power, and Profits: ProgressiveCapitalism for an Age of Discontent». W. W. Norton & Company, 2019. 371 pages en incluant les notes et l’index.

Mise à jour du 30 septembre 2019 : ce livre de Stiglitz est maintenant disponible en français aux éditions «Les liens qui libèrent».

9 mai 2019

«Un selfie avec Justin Trudeau - Regard critique sur la diplomatie du premier ministre» de Jocelyn Coulon

Le sous-titre aurait pu être le titre de ce livre, puisqu'il s'agit bien d'un examen critique de la diplomatie canadienne depuis l'arrivée au pouvoir de l'équipe libérale de Justin Trudeau. Jocelyn Coulon y met en évidence l'absence de véritable politique étrangère du gouvernement Trudeau, malgré les efforts louables à l'origine du ministre des Affaires mondiales, Stéphane Dion, «congédié» par le Premier ministre en janvier 2017. On sent bien dans ce livre tout le respect de Coulon à l'égard de Dion.

Coulon compare la stratégie d'affaires internationales de ce gouvernement à celle des précédents. Il affirme que l'approche actuelle fait fi de l'héritage des gouvernements canadiens d'avant 2006, contrairement à ce que laissait présager le programme des libéraux au cours de la campagne électorale de 2015. Son diagnostic est clair et sans retenue : «...la politique du gouvernement libéral ne crée pas une rupture avec les conservateurs mais bien une continuité.» Les décisions en matière de relations internationales sont prises en considérant, d'abord et avant tout, les bénéfices électoraux auprès de groupes ciblés sans suffisamment tenir compte des intérêts du Canada dans son ensemble.

L'auteur écrit, entre autres, que «...si le rapprochement avec la Chine produit les résultats escomptés...ce sera le plus grand succès de politique étrangère de Justin Trudeau.» (page 211). Ce passage a été écrit il y a plus d'un an. Tenant compte des événements depuis dans les relations Canada-Chine, il le réviserait sûrement aujourd'hui.

Deux phrases résument bien l'évaluation que fait Jocelyn Coulon du Premier ministre :

«À force d'être prisonnier des images, on finit par oublier les idées.» (p. 13)

«... ce n'est pas en répétant des slogans sur les bienfaits du statu quo et en restant passif devant le monde que le Canada se rendra essentiel.» (p. 235) 





Coulon, Jocelyn. «Un selfie avec Justin Trudeau - Regard critique sur la diplomatie du premier ministre». Éditions Québec Amérique, 2018. 238 pages


7 avr. 2019

«La France impériale et la Nouvelle-France – Un regard neuf sur 1759» de Michel Brunet


À l’origine, Michel Brunet cherche à élucider la signification de la défaite française à la bataille des Plaines d’Abraham à Québec en 1759.  Ses recherches et ses analyses l’amènent à considérer cette défaite comme l’aboutissement normal de décisions inappropriées et d’un manque de volonté des dirigeants de la métropole française de se doter d’une stratégie cohérente pour assurer le développement de leur colonie en Amérique du Nord.

Pour nous aider à bien saisir les enjeux et l’inefficacité de la colonisation française, Brunet compare les efforts de Versailles en Amérique à ceux de Londres, Madrid et Lisbonne. Tant sur les plans politique, économique, commercial et militaire, la métropole française est nettement déclassée par ses concurrentes. L’idée que «…la Nouvelle-France sera une petite colonie sur un grand territoire.» (p.48) ressort bien dans ce livre. L’auteur souligne que «… le Roi-Soleil continuera de vouloir le beurre et l’argent du beurre, c’est-à-dire un empire continental sans peuplement ni développement économique…» (p. 50)

Vers 1750, la Nouvelle-France apparaissait d’ailleurs «…sous-peuplée, géographiquement surdimensionnée, économiquement très dépendante du commerce des fourrures et militarisée au point que la première source de capitaux dans la colonie était le budget militaire du gouvernement colonial.» (p. 153) Brunet fait aussi état de «…la situation déplorable du peuple canadien avant même que ne commence le Régime anglais.» (p.227) Il ajoute que le manque d’intérêt et de vision de la métropole et de ses représentants «…mettait régulièrement la survie de la colonie en péril» (p. 162) Jacques Lacoursière, dans le tome 1 de son «Histoire populaire du Québec», nous avait déjà, lui aussi, sensibilisés à la situation déplorable de la colonie dans les années précédant 1759.

Lors des négociations du Traité de Paris, la France a-t-elle, un tant soi peu, tenté de récupérer le Canada? Brunet, avec sources à l’appui, indique que la France «…offrit le Canada à l’Angleterre dès le début des négociations.» et que «…Versailles est tout à fait disposé à échanger le Canada – et ses habitants – contre un accès à la morue au large de Terre-Neuve.» (p. 222) Sur le plan économique, en 1763, «La morue a été préférée au castor.» (p. 108) Brunet ajoute que, en apposant sa signature au Traité de Paris de 1763, «…la métropole mettait ainsi fin à sa désastreuse incursion coloniale en Amérique.» (p. 19)

Par ailleurs, le peuplement «chroniquement insuffisant» de la colonie amènera la métropole à créer des alliances avec les autochtones pour tenter d’assurer son emprise sur le territoire. Cette aptitude a maintes fois été soulignée. Toutefois, ce que l’on sait moins,  c’est que lorsque ceux-ci s’objectaient aux volontés françaises, la conséquence pouvait être abominable, comme en témoigne l’extermination des nations Renards et Natchez (pp. 100 et 122), deux nations qui n’avaient vraisemblablement  pas les capacités des Iroquois de résister à l’envahisseur européen. La destruction du village de la nation Miami constitue un autre exemple de la «détermination de la France» (p. 198) à imposer ses volontés expansionnistes sur le territoire lorsqu’il y avait de la résistance chez les Amérindiens. La France rejoignait ainsi les autres colonisateurs et les marchands d’esclaves au palmarès de l’horreur des nations dites civilisées.

Si la défaite de 1759 signifie la chute de Québec, «…la réalité est que la Nouvelle-France fut perdue à Versailles avant, pendant et surtout après 1759-1760.» (p. 167) Brunet ajoute «…en 1763, exactement 155 ans après la fondation  de Québec, les Canadiens furent brutalement contraints à entreprendre la difficile tâche d’assumer seuls leur destin d’Amérique.» (p. 168)

D’abord négligés et même, bien des fois, abusés par la mère-patrie, et, ensuite, conquis et dominés par la Grande-Bretagne, nos ancêtres canadiens nous ont légué un exemple de survivance, de résilience et de courage dans un contexte particulièrement difficile. C’est grâce à eux qu’une présence française a pu persister et se développer ici, malgré les épreuves et le peu d’intérêt de la métropole française pour sa colonie d’Amérique du Nord.

En préface au livre de Michel Brunet, Louis Balthazar se demande pourquoi les Français n’ont pas «… songé un seul instant faire payer leur soutien à la Révolution américaine par une reprise du territoire canadien.» (p. 11) L’abandon, mot souvent utilisé par Brunet, prend alors toute sa signification.  En se basant sur le contenu du livre de Brunet, Balthazar écrit aussi que «…la monarchie française n’a jamais voulu s’engager sérieusement dans l’établissement et le maintien d’une forte présence en Amérique. Elle ne s’en est jamais donné les moyens.» (p. 9)  

P.S. 1 : Je suggère aux lecteurs de lire les notes à la page 245 concernant Louisbourg; ce site, au Cap Breton, n’avait rien d’une forteresse, contrairement à ce que l’on peut penser.


P.S. 2 : Au début des années 1760, la France a cédé la Louisiane à l’Espagne. Si vous savez quand elle est revenue à la France, pour être ensuite vendue aux États-Unis au début du dix-neuvième siècle, laissez-le-moi savoir, s’il-vous-plaît. Mise à jour du 4 juin 2019 : La France avait cédé la Louisiane occidentale (à l'ouest du Mississippi) à l'Espagne en 1762. La Louisiane orientale (à l'est du Mississippi) a été cédée à la Grande-Bretagne en 1763. En 1783, la Louisiane orientale est devenue propriété des États-Unis (Traité de Paris de 1783). En 1800, la Louisiane occidentale a été rétrocédée à la France par l'Espagne; et, la France l'a vendue aux États-Unis en 1804.









Brunet, Michel. «La France impériale et la Nouvelle-France - Un regard neuf sur 1759». Éditions Pierre Tisseyre, 2017. 310 pages.

6 févr. 2019

«Le miracle Spinoza – Une philosophie pour éclairer notre vie» de Frédéric Lenoir



Baruch Spinoza est un philosophe qui a vécu en Europe, aux Pays-Bas, au dix-septième siècle. Selon Frédéric Lenoir, sa pensée «… constitue une véritable révolution politique, religieuse, anthropologique, psychologique et morale.» (page 13).

Il sera banni de la communauté juive en raison de ses prises de position. Ses oeuvres seront d’ailleurs «condamnées par toutes les religions» (p. 14), ce qui rend particulièrement attrayant d’aller à la découverte de son raisonnement. Lenoir souligne que «Spinoza critique toutes les religions lorsqu’elles activent les passions tristes des individus…lorsqu’elles se détournent de leur unique vocation – favoriser le développement de la justice et de la charité…» (p. 90).

Les passages du livre portant sur les prophètes (pp. 62 à 64) m’ont particulièrement intéressé, dont ceux-ci :

«C’est par le biais de l’imagination, et non de l’esprit, que s’exprime le don de prophétie.» (p. 62).

«Bref, le discours prophétique ne doit jamais être pris à la lettre, mais toujours interprété, relativisé, précisément parce qu’il est relatif à l’imagination, au tempérament, aux opinions et au mode de vie du prophète.» (p. 64)

Lenoir signale que Spinoza a négligé les dimensions du «cœur» et «identitaires» de la religion qui conduisent des croyants «à des sommets d’humanité» (pp. 98 et 99) et à des liens émotionnels favorisant le développement  de valeurs familiales et communautaires.

Par ailleurs, il indique que «Spinoza est le père de notre modernité politique.» Il serait aussi «… le premier théoricien de la séparation des pouvoirs politiques et religieux et le premier penseur moderne de nos démocraties libérales.» (p. 109)

Lenoir le présente aussi comme le «maître de la sagesse», «un guide vers la joie» qui conduit à «une vie bonne et heureuse» (pp. 122,123). En outre, le Spinoza de Lenoir fait valoir que le «moteur du changement» chez l’humain, «c’est le désir» (p. 164). «Il ne faut pas diminuer ou supprimer le désir, mais l’orienter par la raison.» (p. 167), car, «La gestion du désir, sa réorientation, deviennent la clé du bonheur et de l’épanouissement.» (p. 170) 

Lenoir n’a découvert Spinoza qu’en 2012, et «ce fut un coup de foudre» (p. 10). Il l’«aime profondément» (p. 203). Tout comme lui, il «recherche la vérité et la sagesse» (p. 208). Il adhère au spinozisme tout en étant, toutefois, en mesure d’en identifier les travers. Il est d’ailleurs en désaccord avec le philosophe sur «…sa conception de la femme et sa vision des animaux.» (p. 204) ainsi que sur son «rationalisme absolu» (p. 206)

C’est grâce à l’émission Second Regard à Ici Radio-Canada Télé que j’ai pu découvrir le tandem de philosophes Spinoza-Lenoir.










Lenoir, Frédéric. «Le miracle Spinoza – Une philosophie pour éclairer notre vie». Fayard, 2017. 221 pages.

24 janv. 2019

«La révolution dans l'ordre - Une histoire du duplessisme» de Jonathan Livernois



La Révolution dans l’ordre : il y a dans ces mots une contradiction, mais ce sont ceux retenus par Daniel Johnson, en 1952, pour décrire ce qui se passait au Québec sous le règne de l’Union nationale et de son chef Maurice Duplessis (page 110). C’est une façon de dire que les choses changeaient graduellement, sans bouleversement, en laissant l’impression que, fondamentalement, rien n’est altéré.

Jonathan Livernois n’a pas connu le duplessisme puisqu’il est né en 1982. Il a cependant lu presque tout ce qui s’est écrit sur Duplessis et son temps. Cela se perçoit bien dans les nombreuses références qu’il cite et dans le choix des propos qu’il relate.

Duplessis est présenté dans ce livre comme «…un nationaliste tout en étant fédéraliste…, un conservateur social, prônant le libéralisme économique, capable de mesures sociales quand il n’a plus guère le choix.» (p. 108).

Le patronage, lui et son parti en ont fait grand usage, mais ils ne l’ont pas pour autant inventé, loin de là. Ils innovent toutefois en faisant un marketing politique efficace. Patronage et marketing feront de l’Union nationale une «machine infernale» aux dires de Jean Lesage (p. 11).

Duplessis et son parti n’ont pas été qu’une machine électorale et à retardement de l’évolution du Québec. Au gouvernement, ils ont été à l’origine de changements importants, comme :
·         le crédit agricole,
·         l’électrification rurale et les travaux de drainage des terres,
·         la création du ministère de la Santé à «…une époque où le développement de l’hygiène publique est une question brûlante…» (p. 64)
·         la loi sur les salaires raisonnables,
·         les pensions de vieillesse, les allocations aux mères nécessiteuses et aux aveugles,
·         l’impôt provincial sur le revenu des particuliers,
·         les écoles techniques ou de métier.

Les dépenses en infrastructures et en écoles ont aussi été importantes. La municipalité de Price, d’où je suis originaire, a eu deux nouvelles écoles et un nouveau pont à l’époque de Duplessis. L’une des deux écoles portait le nom d’Onésime Gagnon, député du comté de Matane et membre du Conseil des ministres. Et cet exemple est loin d’être un cas isolé. Question de pont, la lecture de ce livre m’a permis de corriger une perception erronée. Je croyais que c’était le pont Laviolette qui s’était effondré en 1951, mais c’était le pont Duplessis entre Trois-Rivières et Cap-de-la-Madeleine (p. 128 et 129).[1]

J’avais gardé l’impression que les intellectuels étaient presque toujours opposés à Duplessis. C’était probablement le cas à partir du milieu des années 1950. Avant, l’auteur nous permet de revisiter cette idée en mentionnant plusieurs exemples d’appuis que le gouvernement de l’époque recevait dans cette communauté, dont celui du journal Le Devoir jusqu’en 1952 (p. 154) et celui du poète Gaston Miron de 1947 à 1954 (p. 205).

Quant à l’acharnement de Duplessis sur les Témoins de Jéhovah, il n’était pas unique, le gouvernement fédéral les ayant interdits en 1940 (p. 193). Quant au crucifix, fait-il vraiment partie du patrimoine associé à nos institutions démocratiques? Livernois nous rappelle que ce n’est qu’en 1936 qu’il fut installé «…au-dessus du fauteuil de l’Orateur…» (p. 60).

L’Union nationale a survécu un certain temps à son créateur reprenant même la gouverne du Québec de 1966 à 1970 et poursuivant, à la surprise générale, la Révolution tranquille amorcée par les libéraux de Jean Lesage. Le parti dirigé par Daniel Johnson prônait même, en 1965, la «…gratuité scolaire à tous les niveaux…» (p. 226), promesse qui a été reprise à l’élection de 2018 par nul autre que… Québec Solidaire.

En lisant ce livre, les gens de plus de soixante-cinq ans se remémoreront bien des souvenirs. Les plus jeunes en apprendront sur les façons de faire de la politique au Québec durant les décennies précédant la Révolution tranquille.



[1] Le pont Laviolette n’a été construit que dans les années 1960. Il enjambe le fleuve Saint-Laurent à la hauteur de Trois-Rivières et de Bécancour. Sa construction a été marquée par un accident. Un caisson a cédé en raison de la pression de l'eau et douze travailleurs ont alors perdu la vie, selon l'information disponible sur Wikipédia.








Livernois, Jonathan. «La révolution dans l’ordre –Une histoire du duplessisme». Les Éditions du Boréal, 2018. 248 pages.