8 mai 2025

Schumpeter selon Heilbroner

 

Robert L. Heilbroner présente Joseph A. Schumpeter (JAS) « …as one of the most imaginative of the worldly philosophers. ». Il en remet en ajoutant qu’il était certainement « …a great visionary… », malgré, parfois, ses contradictions.

Pour JAS, le capitalisme est dynamique et orienté vers la croissance. Une dépression ou une récession n’est qu’une douche froide. Contrairement à Keynes, il ne voit pas la nécessité de dépenses gouvernementales pour stimuler l’économie en période de ralentissement, sauf pour en atténuer ses bouleversements sociaux. 

JAS publie, à 27 ans, « The Theory of Economic Development ». Elle est devenue, selon Heilbroner, « …one of the most influencial interpretations of capitalism ever written. ». Il y met l’accent sur l’importance cruciale des entrepreneurs et de l’innovation dans le progrès économique.

La dépression économique des années 1930 aidant, JAS s’est intéressé aux cycles économiques. Il publie, en 1939, « Business Cycles », œuvre en deux tomes totalisant quelque mille pages. Il y identifie trois cycles : ceux de courte durée, ceux d’une durée de sept à onze ans et ceux d’une cinquantaine d’années. Selon lui, durant la Grande dépression, ces trois cycles ont atteint un creux accentué par l’absence de politiques économiques adéquates et par les répercussions de la Révolution russe.

En 1942, JAS publie « Capitalism, Socialism and Democraty » un livre qui a changé « … the way we think about the system », selon Heilbroner. JAS y envisage, entre autres, l’avenir du capitalisme. Il prévoit qu’il ne survivra pas, malgré ses succès. Selon lui, l’aventure entrepreneuriale va s’estomper pour des raisons sociologiques, et l’innovation va s’institutionnaliser et devenir routine. (Dans ses commentaires et aidé par le temps, Heilbroner n’hésite pas à remettre en question cette prédiction.)  C’est dans ce livre aussi que JAS présente clairement le phénomène de la « destruction créatrice » en économie.

Malgré l’importance de l’œuvre, Heilbroner n’écrit que quelques mots sur « Histoire de l’analyse économique » de JAS. Il la décrit tout de même ainsi : « …a magesterial survey of economic thought… ».

Dans l’Histoire et dans ses cours, JAS, modeste, ne dit mot quant à sa contribution à l’évolution de la pensée ou de l’analyse économiques, ce qui, semble-t-il, frustrait ses collègues et ses étudiants.

Enfin, ajoutons que voulant signifier l’importance de la contribution de Schumpeter, la revue The Economist a donné son nom à sa chronique hebdomadaire sur les affaires, où il est question, en particulier, d’entreprises innovantes.





 

Source : Heilbroner, Robert L. « The Worldly Philosophers - The Lives, Times, and Ideas of the Great Economic Thinkers ». 7ième édition révisée, Simon & Schuster, 1999. Pages 288 à 310.


 

10 mars 2025

« The Telegram » de The Economist

La célèbre revue britannique « The Economist » a une nouvelle chronique quasi hebdomadaire depuis le début de novembre 2024. Elle est intitulée « The Telegram ». Il y est question avant tout de géopolitique dans un contexte où la mondialisation et les institutions internationales sont menacées, attaquées et éprouvées de toute part. 

L'auteur de cette chronique a travaillé pour cette revue à partir de Bruxelles, Londres, Washington et Beijing. Ce qu'il a écrit depuis le début de novembre dernier témoigne bien de ses connaissances approfondies et de son esprit d'analyse et de synthèse hors du commun. Il semble aussi avoir un carnet de contacts bien rempli de gens qui ont un vécu des questions internationales.

À lire!

Lien vers les articles de « The Telegram »



3 mars 2025

« L'Odyssée du sacré » de Frédéric Lenoir

 

Frédéric Lenoir nous présente l’aventure humaine de l’angle des croyances religieuses et de la spiritualité. Il a consacré trente-cinq années de recherche en philosophie, en sociologie et en histoire des religions à la rédaction de son livre. Il couvre 100 000 ans, bien que les renseignements soient, sans surprise, rarissimes sur plusieurs des premières dizaines de milliers d’années. Cet ouvrage est particulièrement riche en renseignements et en analyses. L’auteur va même jusqu’à examiner la dimension neurologique du besoin de croire.

Les humains s’attachent d’abord aux « esprits de la nature » ainsi qu’aux animaux, pour ensuite rendre un « culte aux ancêtres, puis aux dieux et aux déesses ». Viennent ensuite les grandes religions polythéistes et monothéistes. Cette évolution est reliée aux changements dans leurs modes de vie, comme leur passage de nomades à sédentaires, aux bouleversements sociaux, à l’évolution des connaissances et des moyens de communications, phénomènes qui influencent le sacré et la religiosité, selon Lenoir.

Son œuvre nous permet de rencontrer plusieurs personnages mythiques ou vrais de l’histoire des religions : Abraham, Moïse, Confucius, Zoroastran, Bouddha, Jésus, Mahomet, etc. Des critiques des religions y sont aussi bien présents, dont Feuerbach, Marx, Engel, Nietzsche, Freud.

Dans la section sur le christianisme, Jésus est présenté « comme un réformateur » de la religion juive en voulant lui redonner son sens profond et en mettant l’accent sur l’importance de l’amour. Paul met « la personne de Jésus au cœur de la foi », et il serait « le véritable fondateur du christianisme » en convertissant juifs et non juifs et en amenant les « premiers disciples de Jésus à rompre avec le judaïsme ».

Les pages sur l’islam nous aident à mieux saisir la provenance des divers courants idéologiques au sein du monde musulman. Les paragraphes sur les castes en Inde nous éclairent sur leur origine, ainsi que sur le mépris des femmes chez les hindous.

Lucide et sage, Lenoir juge que la spiritualité constitue une dimension essentielle de l’être humain. Elle serait aussi ce qui le distingue des autres espèces. Face aux défis à relever ces temps-ci, dont celui du développement durable, « une élévation de notre conscience morale et spirituelle » s’avèrent « plus que jamais nécessaires », selon lui.

Il y a, bien sûr, énormément plus dans ce livre que ce que j'évoque brièvement ici. Je n’ai aucune hésitation à vous en recommander la lecture.




LENOIR, Frédéric. « L’Odyssée du sacré ». Éditions Albin Michel, 2023. 503 pages.