Tout un livre que celui de Diarmaid MacCulloch sur l'histoire du Christianisme! Une fois terminée ma lecture, j'ai eu envie de recommencer, mais je me suis limité à relire l'introduction. C'est bien évidemment la perspective de l'historien qui ressort dans cette oeuvre. On se rend vite compte qu'il est parfois bien difficile de réconcilier la version de l'histoire sur Jésus et celle des Évangélistes, ceux-ci apparaissant bien souvent dans cet ouvrage comme de grands dramaturges cherchant à nous convaincre de la personnalité exceptionnelle de Jésus.
J'ai appris ou amélioré mes connaissances sur :
- les origines de l'infaillibilité du pape, de l'assomption de Marie, du récit de la naissance de Jésus, du schisme entre l'Église d'Orient et celle d'Occident,
- les liens et les conflits entre l'Islam et le Christianisme,
- les fondements bibliques ayant pu contribuer à justifier l'esclavage,
- les croyances basées sur des erreurs de traduction,
- les façons de propager la foi dans les Amériques, l'Afrique, l'Asie et ailleurs,
- les origines du purgatoire et du système des indulgences*,
- les écarts de comportement de nombreux papes, notamment à la fin du premier millénaire de l'ère chrétienne,
- les efforts de deux Évangélistes pour établir le lien généalogique entre Jésus et le roi David, et même, pour l'un, jusqu'à Adam, en passant, dans les deux cas, par Joseph qui, pourtant, n'est pas reconnu comme le père biologique de Jésus, (toute une prouesse!),
- la destruction complète de Jérusalem, incluant le Temple, par les Romains,
- les discussions et les divergences entre les chrétiens sur la nature divine et la nature humaine de Jésus,
- la modification apportée par les catholiques aux commandements de Dieu,
- la difficulté pour la papauté d'établir son autorité en matière de religion sur les monarques des diverses époques, entre autres, quant à la nomination des évêques,**
- le lien entre les céréales Kellogg et la religion, (et oui!),
- et bien d'autres choses dans plus de 1 000 pages de texte.
Jésus n'aurait laissé aucun écrit. Les Évangélistes eux ont rédigé sur sa vie quelques décennies après sa mort et sa résurrection lorsqu'ils ont réalisé qu'il ne reviendrait pas aussitôt que prévu. Ils se sont assurés que toute référence au Messie de l'Ancien testament s'applique au vécu de leur idôle. L'Église a même préféré vivre avec certaines contradictions entre les écrits des Évangélistes, plutôt que de retenir un effort de synthèse visant à les corriger. Rien d'étonnant alors à ce qu'il y ait autant de diversité dans la grande famille des chrétiens et autant d'interprétations sur la signification des textes. Ajoutons à cela les débats sur l'importance dans la foi de ce qui provient de la tradition de l'église par rapport au contenu strict de la Bible, et la table est ainsi mise pour de grandes divergences entre chrétiens, pourtant tous inspirés par «la parole» du même guide spirituel.
Si le doute fait partie intégrante de la foi, et bien, il s'est emparé de moi un peu plus chaque jour au fur et à mesure que j'avançais dans ma lecture de ce livre. J'ai encore plus de difficulté qu'auparavant à réciter le «Je crois en Dieu» à la messe dominicale. Éduqué à la foi à la fin des années cinquante et au début des années soixante, à une époque où la religion tenait une grande place dans ma vie au point de s'imprégner dans mon inconscient et mon subconscient, le contenu de ce livre a de quoi m'ébranler dans mes croyances. Heureusement, les messages de base de l'Évangile demeurent toujours valables et tout aussi importants aujourd'hui qu'hier, et ils sont aussi bien présents dans les autres religions monothéistes, communiquant ainsi des valeurs universelles susceptibles d'orienter dans le bon sens l'action de tous les humains. J'en viens à croire de plus en plus que tant que nous érigerons des obstacles et des frontières entre nous sur la base de ce qui nous différencie, notamment sur le plan des croyances religieuses, il y aura des conflits. Si nous apprenons sur les autres et si nous nous ouvrons à eux pour mieux comprendre ce qui nous rapproche et ce qui nous distingue, nous pourrons nous enrichir mutuellement de notre grande diversité et mieux vivre en paix et en harmonie.
Pour revenir au livre de MacCulloch, il constitue une excellente source d'information sur l'histoire du Christianisme. L'auteur laisse cependant à d'autres l'histoire des chrétiens qui, inspirés de Dieu, ont consacré leur vie à l'éducation et l'instruction, au soin des malades et au soutien des pauvres, bien que cet aspect soit tout de même abordé à quelques reprises dans son ouvrage.
En terminant, si l'Église catholique a, comme d'autres, su corriger sa vision de l'esclavage au dix-neuvième siècle, pourquoi ne pourrait-elle pas en faire autant dans l'avenir sur la question de l'ordination des femmes et le célibat des religieux, à tout le moins ceux qui ne vivent pas en communauté?
Un avertissement : ce livre est loin de se lire comme un roman.
* Dans «Les rois maudits», Maurice Druon nous expliquait comment Jean XXII avait renfloué les coffres de l'Église en utilisant abondamment la monétisation des indulgences.
** Cette question pose encore problème ces temps-ci dans les relations entre le Vatican et les dirigeants de la République populaire de Chine.
«Christianity - The First Three Thousand Years»
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Bravo et merci pour ce compte-rendu pour le moins enthousiaste. Si la lecture de l’histoire du christianisme a de quoi ébranler le fidèle, on comprend pourquoi l’Église a pendant longtemps préféré ne pas trop encourager la lecture et surtout pas celle des textes bibliques.
RépondreSupprimerOn aimerait bien savoir les liens entre Kellog et la religion. Est-ce que cela a à voir avec la multiplication des pains? Ou la communion? De même, pourquoi ce sous-titre mystérieux (les premiers 3000 ans du christianisme). J’espère que Jean-Pierre nous expliquera ces mystères ce qui nous évitera de devoir lire la brique de 1000 pages en anglais.
Jean-Claude Cloutier
Les fondements historiques de la vie de Jésus et de l'Église apparaissent de plus en plus fragiles à mesure que des historiens et des experts en font l'exploration, en faisant primer, bien sûr, la vérité historique à la foi plus ou moins aveugle.
RépondreSupprimerNul doute qu'un être exceptionnel a existé il y a deux milles ans et que son message a influencé nombre de personnes autour de lui. Par la suite, son entourage et ses dévots se sont chargé de lui créer une existence propice au développement de l'Église et de son pouvoir.
Semble-t-il que Jésus n'aurait jamais dit: «Pierre, tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église.» Il s'agirait d'un ajout fait au texte pour donner une légitimité à l'Église catholique. D'ailleurs, les grands maîtres désignent rarement leurs successeurs.
Merci Jean-Pierre pour ce résumé du livre de MacCulloch. Malgré toutes les exactions de l'Église au cours de l'histoire, sans doute existe-il un vrai christianisme capable d'inspirer le monde moderne.
Normand Julien
Pour répondre à Jean-Claude, John H. Kellogg, qui a développé certaines des céréales qui portent son nom, a collaboré avec l'Église des Adventistes (Seventh-Day Adventism); cette église prône le végétarisme. Il sera d'ailleurs question du Dr Kellogg à la radio de Radio-Canada le dimanche 18 septembre entre 7h et 7h30. Au sujet du titre du livre, en Grande-Bretagne, c'est «A History of Christianity». Je fais l'hypothèse que l'éditeur a voulu un titre plus accrocheur pour le marché américain, d'où la référence aux trois mille ans. L'auteur, lui, tente de l'expliquer de deux façons : l'origine du christianisme remonte à mille ans avant JC, ou encore, comme il s'agit d'une religion relativement jeune qui a de l'avenir, on peut, selon lui, spéculer qu'elle connaîtra à tout le moins un autre millénaire. Ses explications laissent croire que c'est un titre que l'éditeur américain lui a imposé.
RépondreSupprimerJean-Pierre