29 juil. 2024

Le protectionnisme est-il virulent ces temps-ci?

 


Le discours ambiant, en particulier aux États-Unis, et le piétinement de bien des dossiers à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) laissent croire que le protectionnisme augmente dans le monde.

Toutefois, deux sources récentes indiquent que la libéralisation des échanges est loin d’être chose du passé et qu’elle progresse à certains égards.

Avec données à l’appui, l’OMC affirmait, le 8 juillet dernier, que ses membres s’efforcent de faciliter les échanges, en dépit des pressions protectionnistes et ce, tant dans le commerce des biens que des services. 

Un article de juin dernier de la revue The Economist, citant, entre autres, des données de l’OMC, mentionne que plusieurs accords commerciaux traditionnels ou novateurs sont entrés en vigueur au cours des dernières années.

Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences.

Enfin, le blocage du mécanisme d’appel des décisions des groupes d’experts demeure une plaie au système commercial multilatéral de l’OMC. Une solution à ce problème pourrait raviver confiance dans ce système malmené depuis bien des années, après avoir connu son âge d’or au milieu des années 1990 avec l’adoption et la mise en œuvre des Accords de l’OMC.

Sources

 Organisation mondiale du commerce. « Il ressort du suivi assuré par l’OMC que les Membres s’efforcent de faciliter les échanges en dépit des pressions protectionnistes ». 8 juillet 2024.

The Economist. « America aside, plenty of countries are forging trade links ». Édition du 15 juin 2024. Pages 60 et 61.

4 juil. 2024

Adam Smith (1723-1790), selon Pauchant, Heilbroner et Schumpeter

Adam Smith est le « …. père fondateur de l’économie politique », selon Thierry C. Pauchant. « …Smith was much more than just an economist. He was a philosopher-psychologist-historian-sociologist who conceived a vision… », selon Robert L. Heilbroner. Il est le « … personnage le plus fameux de tous les économistes… », même si « l’économie n’était qu’une partie de son œuvre », selon Joseph A. Schumpeter.

Examinons ici de façon succincte ce que ces trois auteurs retiennent de particulier dans leur analyse des écrits de Smith.

Pauchant

Ce grand personnage serait « l’antidote ultime au capitalisme », selon Pauchant. Cet auteur insiste sur la falsification de la pensée de Smith par, entre autres, des intégristes du laissez-faire. Il met en évidence l’importance que Smith accorde à ce que l’économie offre des revenus ou des moyens de subsistance au peuple et de quoi rendre les citoyens capables de développer leurs talents, leurs projets et d’atteindre leurs objectifs personnels ou sociaux.

L’État est loin d’être exclu de la pensée de Smith : il préconise de lui donner des moyens suffisants d’assurer les services publics, services qui vont « … bien au-delà de la défense nationale et de l’administration de la justice. » Ce qu’il est convenu d’appeler de nos jours l’économie sociale occuperait une place de choix dans les écrits de Smith.

Aussi, Smith était « … résolument contre l’impérialisme, le colonialisme et l’esclavagisme. », toujours selon l’analyse de Pauchant.

Enfin, le « capabilisme », inspiré des écrits de Smith, retiendrait l’attention de bien des auteurs ces années-ci, dont Pauchant qui en fait un thème majeur de son essai.

Heilbroner

L’esprit de synthèse de Heilbroner sur la vie et l’œuvre de Smith est remarquable. Il réussit le tour de force de présenter une biographie concise et une vue d’ensemble de sa contribution intellectuelle en un peu plus d’une trentaine de pages.

Smith observe et décrit l’économie britannique au dix-huitième siècle, avant l’avènement de la révolution industrielle, révolution teintée en particulier d’abus marqués envers les travailleurs. Il a consacré douze ans de sa vie à rédiger les centaines de pages de « The Wealth of Nations ».

Bien des concepts comme l’économie de marché, la concurrence et le laissez-faire font partie de l’analyse économique avant Smith. Sa contribution originale, selon Heilbroner, a été de présenter une vision d’ensemble :

« …the great panorama of the market remains as a major achievement. To be sure, Smith did not discover the market ; others had preceded him in pointing how the interaction of self-interest and competition brought about the provision of society. But Smith was the first to understand the full philosophy of action that such a conception demanded, the first to formulate the entire scheme in a wide and systematic fashion. He was the man who made England, and then the whole western world, understand just how the market kept society together, and the first to build an edifice of social order on the understanding he achieved. »

« Indeed, The Wealth of Nations and The Theory of Moral Sentiments, together with his few other essays, reveal that Smith was much more than just an economist. He…conceived a vision that included human motives and historic stages and economic mechanisms…From this viewpoint, The Wealth of Nations is more than a master work of political economy.  It is part of a huge conception of the human adventure itself. »

Schumpeter

Adam Smith est parmi les auteurs les plus cités de l’histoire de l’analyse économique de Schumpeter. Il y souligne sa contribution à l’évolution des connaissances. Il se distingue en faisant largement état de là où le temps et les analyses ont donné raison à Smith, et de là où les remises en question et les critiques ont pu démontrer qu’il avait tort. Des commentaires et des critiques sur l’œuvre de Smith « …sont éparpillés dans tous les traités économiques et les travaux du XIXe siècle; ce sont eux qui constituent le véritable monument à la gloire de Smith, l’économiste scientifique. », scientifique qui toutefois « …n’aimait guère ce qui allait au-delà du simple bon sens. », toujours selon cet auteur.

Preuve de l’attrait de l’œuvre de Smith, Schumpeter indique que, déjà avant la fin du dix-huitième siècle, The Wealth of Nations avait connu neuf éditions anglaises, sans compter celles publiées en Irlande et aux États-Unis, et elle avait été traduite en danois, en flamand, en français, en allemand, en italien et en espagnol. S’ajouta une version en russe au début du siècle suivant.

Smith devint en quelque sorte le professeur des professeurs, selon Schumpeter. Il constituait le point de départ de leur enseignement, même de ceux dont la contribution allait, ultérieurement, à certains égards, au-delà de celle du grand maître. 

En somme, Smith observe, il décrit, il analyse et il conçoit des lois de la nature, tout en s’inspirant des écrits de ceux qui l’ont précédé. Son œuvre est dense et nuancée, ce qui laisse place à bien des interprétations en fonction des intérêts particuliers de ceux qui en font une lecture tronquée. Il s’abstient, aussi, de jouer au prophète, contrairement à Karl Marx au dix-neuvième siècle.

P.S. : Les paragraphes qui précèdent ne sont qu’un commentaire de lecture. Ils ne donnent qu’un bien mince aperçu du contenu des trois sources mentionnées ci-dessous.

Pauchant, Thierry C. « Adam Smith, l’antidote ultime au capitalisme Sa théorie du capabilisme ». Dunod, 2023. 169 pages

Heilbroner, Robert L. « The Wordly Philosophers » chapître intitulé « The Wonderful World of Adam Smith ». Simon & Schuster, 1999 (7ième édition). Pages 42 à 74.

Schumpeter, Joseph Alois. « Histoire de l’analyse économique ». Éditions Gallimard, 1983. Trois tomes, plus de 1 600 pages. (La version originale en anglais a été publiée en 1954.)