Guy rocher aurait pu se complaire dans le conservatisme social de l’époque où il est né. Son destin était toutefois ailleurs. Il a œuvré à l’évolution du Québec en l’analysant en profondeur et en étant l’un des architectes de réformes majeures.
Son militantisme, durant sa
jeunesse, au sein de divers organismes à caractère social, a contribué à forger
son esprit critique, son sens du devoir et son désir d’agir et de contribuer à
faire évoluer son milieu.
Il a été le premier
Québécois à obtenir un doctorat en sociologie. Par ses écrits et ses enseignements,
il a formé en sciences sociales, non seulement des milliers de jeunes
québécois, mais aussi des gens de divers pays. Son « Introduction à la sociologie générale », publiée dans les années
1960, est d’ailleurs venue combler un vide dans l’enseignement de cette
discipline. Elle a été traduite en plusieurs langues. Bien que je me sois
départi, au fil du temps, de bien des livres, j’ai encore dans ma bibliothèque
les trois tomes de cet ouvrage.
Membre très influent de la Commission royale d’enquête sur
l’enseignement (Commission Parent), Guy Rocher a œuvré à la démocratisation de l’accès à
l’éducation, à la modernisation du contenu de l’enseignement et des écoles, à
l’avènement des cégeps, etc. Sur une note personnelle, l’ouverture d’une
polyvalente, en 1969, à Mont-Joli, alors que je débutais mon secondaire IV,
m’a, pour la première fois, donné accès à des classes comportant des
laboratoires de chimie et de biologie. Aussi, jamais auparavant je n’avais mis
les pieds dans un gymnase, la cour de récréation étant, avant cela, le seul
endroit réservé à des activités sportives, du moins à Price. Seule déception,
la nécessité de voyager en autobus scolaire. Quant au cégep de Rimouski, même
s’il occupait les locaux vétustes du Petit séminaire, il m’a permis de
découvrir bien des disciplines (économie, sociologie, philosophie, psychologie,
etc.) avant de faire un choix mieux averti vers l’université.
Guy Rocher a aussi été l’un
des architectes de la Charte de la langue française et de la Politique de
développement culturel du Québec à l’époque où il était haut-fonctionnaire
auprès du ministre Camille Laurin. Il a relaté à Pierre Duchesne les réserves
importantes de membres du Conseil des ministres à l’étape de l’adoption de ces
projets pourtant pierres d’assises du Québec moderne et parties intégrantes de
l’héritage du gouvernement du Parti québécois dirigé par René Lévesque.
Les réformes des années 1960
et 1970 avaient une grande portée et amorçaient des virages importants,
contrairement à celles d’aujourd’hui qui, bien souvent, ne consistent qu’à
créer des agences, assorties de règles de gouvernance assouplies, ou à jouer
avec des structures politiques ou administratives.
Sur le plan politique, comme
bien des gens de sa génération, Rocher est passé de fédéraliste, à fédéraliste «
désillusionné » ou « fatigué », puis à souverainiste ou indépendantiste. Comme
quoi, au siècle dernier, bien des intellectuels devenaient graduellement indépendantistes
au fur et à mesure de leurs expériences. Cet idéal d’indépendance ne rejoignait
toutefois pas une majorité de Québécois, puisque, pour tenter de l’obtenir, il
avait fallu, à ses protagonistes, y associer la promesse d’un nouveau
partenariat économique et politique avec le Canada, au cours de deux
référendums (1980 et 1995) sur l’avenir
politique du Québec.
Ses contributions à
l’enseignement, à la recherche et à l’édification du Québec moderne ont été
maintes fois soulignées par ses pairs, des organisations et des institutions.
Par ailleurs, Guy Rocher a
été « quasi obsédé » par la possibilité de mourir, tout comme son père, avant
d’atteindre les quarante ans. Et dire que, dans quelques mois, il sera
centenaire.
Pour terminer ce commentaire,
voici un mot de sagesse de Guy Rocher : « Les révolutions ou les
évolutions se font par spirale : on avance et on recule, on revient sur
ses pas, on boucle le cercle mais on se retrouve un cran plus haut. » (référence
ci-dessous, tome 2, page 579).
Duchesne, Pierre. « Guy Rocher Voir-Juger-Agir ». Tome 1
(1924-1963). Éditions Québec Amérique, 2019. 450 pages.
Duchesne, Pierre. « Guy Rocher Le sociologue du Québec ».
Tome 2 (1963-2021). Éditions Québec Amérique, 2021. 618 pages.